Exclusif : L’Algérie enquête sur un vaste trafic de panneaux solaires en provenance de Suisse

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Depuis deux semaines, un sentiment de crainte mêlé à de la colère habite les douaniers du port d’Alger suite à la saisie d’une cargaison de panneaux solaires censée faire partie d’un programme humanitaire financé par  plusieurs ONG suisses (dont l’Association pour le Développement des Energies Renouvelables ADER), et à l’ouverture d’une enquête interne.

Or, cette dernière est la seconde en moins d’un an, suite à une première opération « mains propres » au sein du même port d’Alger en 2008, qui s’était soldée par la suspension de huit officiers des douanes , dont le chef de l’inspection principale des régimes particuliers. En cause : la sous-déclaration de la valeur de véhicules de grande remise et de bateaux de plaisance, afin de s’acquitter de droits de douanes très en dessous de ce que prévoit la législation. La nouvelle affaire semble également comporter son lot  de zones d’ombres, et devrait éclabousser un certain nombre de hauts responsables, au vu des ramifications internationales du réseau. En effet, le  programme utilisé comme « paravent » pour importer sur le sol algérien des panneaux solaires est censé électrifier des dispensaires dans les camps de réfugiés sahraouis sous administration du Front Polisario, (situés à proximité de la ville de Tindouf, au sud-ouest du pays)  et aurait été l’objet d’une manipulation visant à remplacer les panneaux originels (produits en Europe), par des panneaux de qualité moindre, fabriqués en Chine. L’affaire aurait pu s’arrêter là si les autorités algériennes ne s’étaient rendues compte que lesdits panneaux chinois substitués aux européens font en réalité partie d’un …don octroyé  par Pékin. D’après les premiers éléments de l’enquête, ce qui aurait mis la puce à l’oreille  des limiers algériens serait  l’enregistrement de la marchandise au nom d’une ONG suisse « fantôme », ainsi que l’acheminement à travers  une société immatriculée à Lausanne, dont l’un des deux associés est un ingénieur sahraoui formé en Suisse et spécialisé dans l’installation de panneaux solaires. Or, ce dernier, Bachir M., serait précisément l’interlocuteur  des  ONG qui ont récolté les dons pour acquérir les fameux panneaux européens. Bachir M. aurait, dès 2003, monté cette société avec un collègue ingénieur de nationalité Suisse, afin de faire fructifier les contacts qu’il aurait établi avec plusieurs ONG susceptibles de financer l’achat de panneaux solaires qu’il se charge ensuite de transporter vers Tindouf via sa société. Or, mi-2008, ladite société traverse une période de vaches maigres, les dons en direction de ses ONG « clientes » s’étant effondrés  avec le déclenchement de la crise financière internationale. Avec la complicité présumée de hauts responsables du Croissant Rouge Sahraoui (chargé de coordonner une partie des dons humanitaires à destination des camps de réfugiés)  Bachir M. aurait alors imaginé de substituer aux panneaux provenant d’Europe des panneaux fabriqués en Chine, coutant près de 65% moins cher. Restait néanmoins un obstacle de taille : comment  se procurer les panneaux chinois, tout en revendant sur place ceux fabriqués en Europe. Selon les premiers éléments de l’enquête menée par les douanes,  c’est là où de hauts responsables algériens seraient intervenus pour fournir la marchandise de remplacement, alors que les panneaux de fabrication européenne étaient écoulés à travers des sociétés ayant pignon sur rue, grâce à des factures émises par la société suisse appartenant à Bachir M. Avec ce montage, le bénéfice est triple, car en plus de récupérer une marge substantielle sur la vente de panneaux obtenus gratuitement, l’exemption de droits de douane sur ces derniers permet à l’escroquerie de devenir ultra-rentable, et de verser une large rétribution aux personnes impliquées. Cette affaire vient souligner, une fois encore, la problématique lourde de la gestion des dons confiés à des « marchands d’humanitaire », qui se sont spécialisés dans l’approche et l’exploitation d’ONG européennes qui n’ont que peu de visibilité quant à l’utilisation ultérieure des dons qu’elles octroient. Selon les éléments qui nous ont été communiqués, cette enquête menée par l’Algérie devrait être suivie par une investigation plus large portant sur l’examen des panneaux solaires installés dans les camps de Tindouf, afin de vérifier si d’autres cargaisons n’ont pas subi le même sort que celle saisie au port d’Alger. En effet, depuis près de 6 ans, les panneaux solaires sont devenus les nouvelles cibles pour les trafiquants qui sévissent dans les « zones grises » entre l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et le Sahel, et qui sont allés, selon la presse algérienne, jusqu’à voler les panneaux solaires au sein des bases pétrolières de la Sonatrach, avant d’aller les revendre plus au sud. Alors que l’Europe- et notamment l’Allemagne-  pousse à la création d’un méga-programme intitulé « Desertec » , qui prévoit de couvrir une grand partie du désert de panneaux solaires afin de subvenir aux besoins énergétiques du nord de la Méditerranée, les spécialistes de la sécurité s’interrogent sur les moyens de sécuriser cet immense espace et de mettre les panneaux à l’abri des convoitises des trafiquants…