Afrique-Chine : les dessous d’une voracité grandissante

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En ces temps de crise financière internationale, la Chine marque des points précieux en offrant plus de dix milliards de dollars de prêts bonifiés à l’Afrique à l’occasion de la «quatrième conférence ministérielle du Forum de coopération sino-africain» (FOCAC). Cette annonce a bien entendu fait frémir la « concurrence »…

Les jeux des puissances mondiales se corsent sur le continent africain et les intérêts des uns et des autres dictent des manœuvres géopolitiques, générant de nouvelles frictions entre le géant chinois, les Etats-Unis  et les puissances européennes, nettement en perte de vitesse depuis une dizaine d’année. La Chine  renforce en effet sa présence sur le continent africain et conduit une nouvelle stratégie très active d’implantations en intensifiant sa coopération avec les pays africains et en tissant des liens privilégiées et personnels avec les Chefs d'Etats. Le mouvement est "naturel" pour les chinois, car l'Afrique constitue un terrain de chasse capital pour étancher la soif de matières premières de son économie. La ruée des entreprises chinoises aussi bien privées que publiques -cette distinction n’a pas la même signification qu’en occident, une entreprise peut être privée, mais obéira aux commandes politiques- vers le continent noir est sans précédent. Le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, a ainsi déclaré à l'ouverture du Forum Chine-Afrique de Charm el-Cheikh en Egypte que la Chine va aider l'Afrique à développer ses capacités financières en lui fournissant dix milliards de dollars en prêts bonifiés. Ces dix milliards de Dollars étaient programmés dans le cadre de la coopération sino-africaine, lors de la précédente édition triennale du sommet sino-africain de Pékin de 2006, la Chine s’était alors  engagée à apporter en sus cinq milliards de dollars d'aide financière à l'Afrique et conclu des accords de réduction ou d'annulation de dette avec une trentaine de pays du continent. Dans ce cadre, elle aurait déjà signé des accords d'assistance financière avec 48 pays africains  et des accords pour des crédits à taux préférentiels avec 20 d'entre eux. En outre, elle s'est  fixé comme objectif de porter les relations commerciales avec l'Afrique à plus de 100 milliards de dollars. Ce seuil a été franchi en 2008 avec 106,8 milliards de dollars.
«La Chine est prête à approfondir sa coopération concrète avec l'Afrique», a ainsi affirmé M. Wen, en ajoutant que Pékin est également  prêt à jouer un rôle dans le règlement des questions relatives à la paix et à la sécurité, mais aussi dans l'environnement et l'éducation, ce qui indique une mutation de ses perspectives sur le continent et le besoin de diversifier ses zones d’intervention, afin d e probablement sécuriser plus encore les alliances déjà nouées. Ces dernières sont, il faut le rappeler, souvent basées sur une « lien » particulier avec le sommet de l’Etat, et un rôle de liaison majeur jouée par les ambassadeurs chinois en poste dans les grandes capitales africaines. Le symbole de cette vivacité de la diplo-economie chinoise ? la taille des chancelleries, avec lesquelles ne rivalisent que les ambassades américaines, véritables « bunkers » technologiques, pouvant vivre en autarcie plusieurs mois, à l’image des anciennes ambassades soviétiques dans les pays de l’Ouest.
Or, c’est précisément une nouvelle sorte d’affrontement est-ouest, sur le terrain économique cette fois, qui s’est mis en place en Afrique, la Chine portant  un intérêt particulier à l'agriculture et aux infrastructures en leur accordant une priorité pour ses investissements et son aide. Les hauts responsables chinois affirment ainsi que leur pays intensifiera sa coopération avec l'Afrique dans la construction d'écoles, d'hôpitaux, de stades mais aussi de chemins de fer, d'aéroports et de projets énergétiques.
Selon les statistiques officielles chinoises, les investissements directs chinois en Afrique sont passés de 491 millions de dollars en 2003 à 7,8 milliards fin 2008. Les échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique ont décuplé depuis le début de la décennie pour atteindre 106,8 milliards de dollars en 2008.
La stratégie conduite par les entreprises chinoises est  en harmonie avec la doctrine  générale du gouvernement chinois qui vise à assurer ses réserves en ressources naturelles. Pétrole soudanais, angolais ou nigérian, bauxite guinéenne, etc. , en   diversifiant ses investissements en Afrique et un peu partout dans le monde, le géant asiatique veut assurer son indépendance énergétique, lui permettant d’asseoir son ascension économique et de garantir ses approvisionnements stratégiques.
Il est évident que la nouvelle stratégie chinoise en Afrique obéit  à des calculs géopolitiques à long terme. En effet, l’Afrique constitue une gigantesque et précieuse réserve de matières premières, comme les hydrocarbures et les minerais indispensables à sa croissance économique. L’Afrique est également un marché prometteur et très lucratif pour les produits bon marché fabriqués par Pékin. L’on peut donc estimer que la présence chinoise sera beaucoup plus intense sur le continent africain. Cependant, plusieurs pays africains vont faire jouer cette nouvelle concurrence entre l'Est et l'Ouest en essayant d’en tirer profit en termes d’aides et subventions octroyées.  A ce niveau, les européens sont indiscutablement en retard, leurs économies ne générant pas assez de croissance pour leur permettre de déployer des programmes d'aides ambitieux. Néanmoins, les anciens réseaux, souvent décriés-telle la "françafrique"- continuent bizarrement à subsister, permettant ici le gain d’un contrat, ou  la signature de partenariats asymétriques. Or, la particularité des aides chinoises réside dans le fait qu’elles ne sont pas liées à des considérations démocratiques, de bonne gouvernance ou des droits de l’homme. Cette caractéristique avantage grandement le géant asiatique par rapport aux pays occidentaux qui commencent de plus en plus à perdre du terrain face à la nouvelle invasion chinoise.