Algérie : Le général Saïd Chengriha tente d’approcher Ferhat Mehenni pour l’inciter de se présenter à la présidentielle, un retour négocié ?

Selon des sources proches du dossier, le chef d’état-major des armées de l’ANP, le général Saïd Chengriha, aurait tenté ces dernières semaines d’entrer en contact avec l’opposant Ferhat Mehenni exilé en France, afin de le convaincre de rentrer au pays et d’accepter de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle en Algérie.

L’objectif affiché par des interlocuteurs anonymes du pouvoir est de désamorcer une proclamation d’indépendance imminente annoncée par le président du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), dans la partie nord du pays, connue sous le nom de «la Kabylie».

L’opération, rapportent ces mêmes sources, mêlerait diplomatie discrète, promesses de garanties personnelles et offres d’ouverture politique, un mélange d’incitations et d’avertissements adressés à un homme dont le retour pourrait, selon le pouvoir, légitimer les institutions et prévenir une escalade territoriale.

Les premiers échanges se seraient déroulés via des canaux confidentiels à Paris où Ferhat vit en exil depuis plusieurs années.

Selon une source des services du renseignement algériens, « le général Chengriha n’est pas intervenu directement, il a utilisé des relais présents dans la diaspora pour sonder la disponibilité de Ferhat Mehenni. L’idée est simple : le ramener dans l’arène politique nationale, lui offrir un cadre sécurisé et des garanties procédurales, et ainsi couper l’herbe sous le pied des sécessionnistes ».

Du côté de l’entourage de Mehenni, la réception de ces avances est prudente. Un proche explique : « Nous avons entendu des propositions. Mais la méfiance est grande. Pourquoi maintenant ? Pourquoi par l’armée et non par une garantie constitutionnelle? L’opposant, figure charismatique de la contestation depuis des décennies, a fait de la décentralisation et de la défense des droits de la Kabylie, un élément central de son discours et de ses engagements ».

Plusieurs sources indiquent que la proposition faite ne se limite pas à un simple appel à la responsabilité civique : elle comprendrait des assurances sur sa sécurité personnelle, la promesse d’une campagne « sous surveillance internationale, et des garanties tacites quant à l’immunité contre des poursuites judiciaires antérieures ».

En contrepartie, le pouvoir espère que la présence d’un candidat d’opposition, reconnu, réduira la profondeur du mouvement indépendantiste, en offrant aux électeurs kabyles une voie institutionnelle pour faire entendre leurs revendications.

Pour autant, des responsables européens et des ONG de défense des droits humains consultés, mettraient en garde contre toute manœuvre de cooptation impliquant l’appareil militaire.

Des experts contactés, soulignent un risque majeur. En acceptant des garanties négociées informellement avec l’armée, l’opposant pourrait se voir perçu comme complice d’un règlement « top-down », affaiblissant sa crédibilité auprès des kabyles. « La légitimité d’un leader qui rentre après des pourparlers tenus par des militaires est fragile, surtout si les groupes qui poussent à l’indépendance cherchent précisément à se distinguer d’un Etat jugé militarisé, » note une analyste.

A l’inverse, un refus catégorique de Ferhat, pourrait accélérer la proclamation d’indépendance par des acteurs locaux, convaincus que l’Etat central ne propose aucune solution politique viable.

Les ONG et les services de renseignement suivent la situation avec attention.