Deux organisations non gouvernementales (ONG) ont engagé une action en justice devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à l’encontre de la France, l’accusant d’être complice d’une opération militaire ayant conduit à l’utilisation de renseignements français par l’Égypte pour cibler et tuer des civils. C’est ce qu’a révélé le média Disclose, à l’origine de ces informations.
En novembre 2021, Disclose, un média d’investigation, avait révélé dans un article que la mission française dénommée « Sirli », lancée en février 2016 au profit de l’Égypte au nom de la lutte contre le terrorisme, avait été détournée par Le Caire. Ce dernier aurait utilisé les renseignements fournis par la France pour mener des frappes aériennes visant des véhicules soupçonnés de contrebande, le long de la frontière entre l’Égypte et la Libye. Des documents confidentiels obtenus par la journaliste Ariane Lavrilleux, et en partie publiés par Disclose, indiquent que les forces françaises auraient participé à au moins 19 bombardements contre des civils entre 2016 et 2018.
Deux ONG de défense des droits de l’homme, Egyptians Abroad for Democracy et Code Pink-Women for Peace, ont donc saisi la CEDH à Strasbourg, alléguant une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. Elles reprochent à la justice française son refus persistant d’ouvrir une enquête suite aux révélations de Disclose sur l’opération Sirli, considérant que cela enfreint au moins trois articles de ladite convention : le droit à la vie, le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif.
Haydee Dijkstal, avocate de l’ONG Egyptians Abroad for Democracy, souligne que « les auteurs de crimes ne doivent pas rester impunis », rappelant que cela constitue un principe fondamental de l’État de droit. Elle dénonce le double affront à ce principe, reprochant à la France non seulement de ne pas avoir ouvert d’enquête sur les crimes signalés par les ONG, mais aussi de ne pas avoir mis en place un mécanisme adéquat permettant un recours devant un tribunal indépendant et impartial.
En 2022, les mêmes ONG avaient déposé une plainte initiale pour complicité de crimes contre l’humanité, mais celle-ci a été classée sans suite. Malgré un recours hiérarchique contesté auprès du parquet général de Paris, cette décision a été confirmée, selon l’avocate des plaignants, Louise Dumas. Disclose rapporte que tous les recours nationaux ont été épuisés en France.
Peu de temps après les révélations de novembre 2021, le gouvernement français avait reconnu l’existence de sa mission secrète en Égypte et avait ordonné une enquête interne pour vérifier la conformité de cette opération avec les règles établies. Cependant, cette enquête interne a été qualifiée de mascarade, se concluant trois mois plus tard par un rapport classé secret défense.
En outre, la journaliste Ariane Lavrilleux, collaboratrice de Disclose, a été soumise à une perquisition et placée en garde à vue en septembre, pendant 39 heures, dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Paris pour compromission du secret de la défense nationale et divulgation d’informations susceptibles de révéler l’identité d’agents de renseignement.