La Guinée-Bissau serait –elle au bord du gouffre ? Des informations contradictoires circulent en effet depuis hier, et laissent à penser que l’ex colonie portugaise serait en train de vivre un coup de force. Le Premier ministre Carlos Gomes Junior aurait été assigné hier brièvement à domicile par des militaires non identifiés,de même que celui qui était jusqu’alors considéré comme l’homme fort de Bissau,
le Chef d’état major José Zamora Induta. Ce dernier, plus haut gradé de l’armée, avait été soupçonné d’être derrière l’assassinat du Président Joao « Nino » Vieira en mars 2009. Selon des sources sur place, la santé du chef de l’Etat, Malam Bacaï Sanha, serait plus que chancelante, ce qui aurait motivé une frange de l’armée à tenter de faire un coup d’Etat. Cette hypothèse parait la plus crédible à ce moment étant donné que Malam Bacaï Sanha, qui semble ne pas constituer un danger pour les putschistes, n’a pas été inquiété lors de la brève arrestation du premier ministre. La personnalité de ce dernier semble être en cause, notamment au niveau de la redistribution de commissions liées au réseau de distribution de carburant, qui est en partie contrôlé par Carlos Gomes Junior. Selon des sources sur place, Gomes Junior, qui bénéficie de tarifs « attractifs » d’achat de pétrole auprès de certains pays étrangers non cités, aurait refusé ces derniers temps de verser leur dîme aux hauts gradés de l’armée qui avaient promu sa venue à la tête du gouvernement. D’autres sources citent un règlement de compte sur fond d’agendas divergents de barons du narcotrafic sud américains. Récemment, les services secrets américains auraient ainsi remis au Président Bacaï des images satellitaires de haute précision, confirmant l’implication de plusieurs membres de l’armée et du gouvernement dans le transbordement de quantités importantes de drogue dans les dédales des îles bordant la guinée Bissau. L’archipel des Bissagos, le plus à l’ouest de la Guinée Bissau, est une zone de prédilection des trafiquants de cocaïne sud américains pour transborder leur marchandise auprès de leurs relais locaux, équipés de vedettes légères ultra-rapides, et souvent escortés par des navires de la marine de Bissau . Ce vendredi, alors qu’une avalanche de condamnations internationales s’battait sur le pays, une réunion d’urgence s’est tenue entre le premier ministre et le Président, pour tenter de sauver les apparences. Cependant, la localisation du chef d’Etat Major José Zamora Induta reste à cette heure incertaine. Il semblerait que son adjoint, le général Antonio Indjai, aie de facto pris la direction opérationnelle de l’armée. D’un point de vue stratégique, ces évènements ressemblent plus à une redistribution des rôles au sein de l’armée qu’à une véritable tentative de putsch, Carlos Gomes Junior ayant réussi à mobiliser plusieurs centaines de ses sympathisants aux abords de sa résidence, ce qui aurait convaincu l’armée de laisser retomber la pression. Une grande partie de l’armée craint une bavure « à la guinéenne », qui a accéléré la chute de Moussa Dadis Camara, après le massacre de civils qui s’étaient rassemblées pacifiquement.