Procès terroristes en Mauritanie : Le Front Polisario mis à l’index par la cour criminelle de Nouakchott

C’est un véritable coup de théâtre qui a ébranlé les allées de la cour criminelle de Nouakchott hier, alors que se déroulaiennt les audiences relatives au rapt d’humanitaires espagnols par Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) le 29 novembre 2009. En effet, alors que les liens entre le commanditaire présumé des enlèvements, Omar Ould Hamma alias « Omar Sahraoui », et le mouvement Front Polisario, étaient connus (voir Sahel Intelligence article X), l’un des autres accusés, Mohamed Salem Ould Ehmouda, serait quant à lui un « militaire sahraoui du Front Polisario » selon ses propres aveux. Ould Ehmouda a ainsi affirmé à la cour criminelle qu’il aurait été enlevé par des membres des services de sécurité mauritaniens « déguisés en civil », alors qu’il profitait d’une permission accordée par sa hiérarchie militaire.

Or, plusieurs éléments matériels viennent contredire cette version, dont le mariage cinq jours avant le rapt de Ould Ehmouda avec une jeune mauritanienne. Les noces du militaire du Polisario auraient été écourtées suite à une fenêtre d’opportunité identifiée par Omar Sahraoui, ce dernier décidant de battre le rappel de ses troupes afin de procéder au rapt des humanitaires espagnols le 29 novembre. Cette nouvelle révélation confirme l’existence d’un axe AQMI/Polisario qui se serait créé à travers une alliance opportuniste entre certains membres de la hiérarchie militaire du Front (comme Omar Sahraoui, chef présumé de l’opération et commandant de réserve du Polisario), et des éléments issus du grand banditisme sahélien qui se sont greffés sur la franchise régionale d’Al Quaida. Cette dernière, est, rappelons le, une émanation directe des groupes islamistes algériens (GIA, GSPC, etc.) qui ont été repoussés par les services de sécurité algériens vers la frontière sud du pays, où ils pouvaient mettre en place des bases logistiques fiables, avant d’effectuer des incursions rapides en territoire algérien. Second élément qui vient s’ajouter aux sources d’inquiétudes quant à une éventuelle dérive terroriste du Front Polisario : l’enchevêtrement complexe entre la hiérarchie militaire du mouvement indépendantiste et les bandes de trafiquants qui opèrent dans le Sahel a pu provoquer une « déviation idéologique » du mouvement originel vers une radicalisation des revendications à l’encontre du Maroc, où se mêlent discours indépendantiste et islamiste. Ajouté à cela, l’arrivée d’une nouvelle génération de militants du Polisario-notamment ceux formés à cuba par une élite post-guévariste- crée des zones de frottement au niveau de l’attitude à adopter face au Maroc comme à l’Algérie. La tentation de s’autonomiser du « grand frère » algérien risque ainsi de créer un terreau fertile pour tous les extrémismes et de susciter des alliances dans la veine de celle d’Omar Sahraoui et d’AQMI.