En quelques jours, l’histoire s’accélère au niveau des deux organisations qui s’opposent le plus farouchement aux autorités marocaines, Le Front Polisario et l’association islamiste (Interdite) « Justice et Bienfaisance ». Selon un faisceau d’informations concordantes et des informations relayées par les principaux médias internationaux, toutes deux connaissent une dérive qui inquiète les observateurs du dossier, qui craignent une alliance contre nature aux relents terroristes.
Côté Front Polisario tout d’abord, plusieurs agences de presse internationales ainsi que les principaux quotidiens italiens, dont « Il Giornale » font état de mouvements massifs de combattants du mouvement de libération du Sahara Occidental vers la Libye afin de prêter main-forte aux miliciens et mercenaires serbes enrôlés par Mouammar Kadhafi . Objectif du guide de la révolution : créer dans Tripoli la dernière poche de résistance au mouvement qui emporte son régime. Pour le leadership du Front Polisario, cette situation de crise permettrait de renflouer les caisses et de bénéficier des largesses du « frère Mouammar », qui a été l’un des principaux soutiens du mouvement au milieu des années 70. Cet argent frais devrait également permettre de faire baisser d’un cran la pression dans les camps de Tindouf, où la situation serait de plus en plus tendue. Alertés sur l’envoi probable de troupes en renfort au colonel Kadhafi, des chefs de tribus influents ont organisé des manifestations devant la Présidence du Front à Rabouni vendredi matin, réunissant les familles des étudiants sahraouis en Libye, qui exigeaient le rapatriement urgent de 400 sahraouis. Quant à l’autre bête noire de Rabat, le mouvement islamiste fondamentaliste « Justice et bienfaisance », le quotidien français « le Figaro », relayant une dépêche de l’Agence France Presse (AFP), a fait état hier de l’ arrestation de « six personnes, dont cinq ont été assignées à résidence tandis que la dernière est en prison, (…) soupçonnées d’appartenir à un mouvement islamiste fondamentaliste « Adl Wal Ihsane » (Justice et Charité) et d’avoir créé un groupe dont l’objectif était « l’incitation à la discrimination et à la haine raciale et religieuse, à la violence et au jihad contre les chrétiens et les juifs » » . Pour les observateurs, cette radicalisation de deux mouvements que tout oppose sur le papier pourrait signifier une crispation de ces organisations alors que le monde arabe connaît une vague de liberté sans précédent. En effet, le Polisario comme « Justice et bienfaisance » souffrent de maux assez similaires. Tout d’abord, une crise profonde de leadership, Mohammed Abdelaziz et le Cheikh Yassine sont tous deux aux commandes depuis plusieurs décennies et aucun successeur crédible n’a émergé à ce jour. En second lieu, des soutiens qui s’amenuisent, l’Algérie qui soutient traditionnellement le Polisario doit elle-même faire face à ses propres démons, et « Justice et bienfaisance » n’a pas su se greffer sur la revendication politique issue des réseaux sociaux au Maroc, ce qui a contribué à marginaliser l’association. Cette perte de vitesse a favorisé un détachement idéologique des franges les plus radicales des deux mouvements, ce qui a eu pour effet l’envoi de troupes par le Polisario à Tripoli et la création d‘un groupe terroriste en Italie pour « Justice et bienfaisance ». Peut-on assister à une coalition d’intérêt entre l’association islamiste et le mouvement révolutionnaire ? Des zones de coopération semblent en tout cas se dessiner, car le Polisario a une certaine porosité idéologique avec les islamistes de part sa proximité « tactique » avec Al Quaïda au Maghreb Islamique (AQMI), le groupe terroriste qui sévit dans le Sahel.