Exclusif : comment le Polisario et les bandes armées maliennes s’affrontent pour le contrôle de la drogue au Sahel

De notre envoyé spécial, Samuel Benshimon, au Mali

Depuis près d’une semaine, l’armée malienne ne parle quasiment que de cela, éclipsant les discussions autour de la fuite des partisans du guide de la révolution libyenne, qui émaillaient jusque là les conversations.

En effet, il ya quelques jours, un très violent accrochage à quelques centaines de kilomètres au sud de la localité algérienne de Aïn Salah et près de la frontière avec le Mali, a opposé un groupe armé malien composé d’une vingtaine de personnes à des forces du mouvement Front Polisario, faisant plusieurs morts.
L’Agence France Presse s’est fait l’écho de ces affrontements qui tournaient autour d’une cargaison de cocaïne de plusieurs centaine de kilogrammes et de près d’une tonne de cannabis. Selon des sources maliennes, la bataille aurait démarré suite à une mésentente sur les prix et les conditions de livraison, ce qui aurait poussé les éléments du Polisario à vouloir « confisquer » purement et simplement la marchandise. Ceci a suscité la colère des maliens issus de la tribu des « Hel Akkoury », qui, après avoir perdu deux des leurs, ont réussi à enlever trois membres du Polisario, dont « Sahel Intelligence » est en mesure de révéler les  identités. Ainsi la première « grosse prise » des maliens serait, selon un informateur proche des notables maliens, l’adjoint du chef de la 1ère région militaire du Front Polisario, répondant au patronyme de « Hriten Ould Zoudi ». Ould Zoudi serait accompagné de son frère, lui aussi officier, dont le prénom est  Hiba. Enfin, le troisième otage entre les mains des maliens serait un notable sahraoui dont l’identité n’a pu être établie, mais qui serait vraisemblablement le « financier » de l’opération, celui qui était chargé de payer la marchandise aux maliens. Ces derniers, disposant de près de 5 véhicules, ont réussi à semer leurs poursuivants du Polisario, et auraient réussi à mettre leurs otages en lieu « sûr ». C’est à partir de ce moment que s’est mis en place un canal de communication entre la tribu des « Hel Akkoury » et le colonel Mohamed Ould Laakik, chef des services de renseignements militaires du Polisario, afin d’entamer les négociations.

Guerre d’influence au sein du Polisario

Le négociateur du mouvement indépendantiste sahraoui, le colonel Ould Laakik est un personnage extrêmement discret qui fuit les caméras et réunions publiques, suivant en cela les préceptes qui lui ont été inculqués par ses formateurs algériens, issus du redoutable DRS (Département Renseignement et Récurité), et eux-mêmes adeptes de l’école du KGB. Ould Laakik  est au cœur de tous les réseaux de trafiquants qui transitent par le Sahel, et tiendrait absolument à récupérer les frères Ould Zoudi, car ceux-ci constituent une pièce importante dans son dispositif de récolte de fonds, et seraient les seuls  à connaître certaines « planques » ou seraient entreposés des marchandises ainsi que des fonds en liquide, notamment dans les abords de Tifariti, une zone sous contrôle du Polisario à l’est du Maroc. De plus, Ould Zoudi constitue pour Ould Laakik un élément essentiel dans l’affrontement sans merci qu’il livre depuis quelques mois au  chef de la 1ère région militaire du Polisario Taleb Ould Ammi. Neveu de Mohamed Abdelaziz, Ould Ammi est l’une des étoiles montantes du mouvement qui dispute au Maroc la souveraineté du Sahara Occidental, et est l’ennemi juré d’Ould Laakik, dont il jalouse l’influence et les moyens financiers considérables.

Des négociations à l’issue incertaine

Ould Laakik a fait jouer ses réseaux de notabilités maliennes afin qu’ils « fassent tout pour que les otages soient rendus au Polisario », notamment afin de tenter d’effacer des traces de l’implication du mouvement indépendantiste dans le trafic de drogue sahélien. Pour Ould Laakik, ceci est une question « de vie ou de mort » pour le Polisario  car cette affaire permettrait d’accréditer les thèses véhiculées par l’ennemi de toujours : le Maroc. Rabat voit en effet d’un œil favorable que soient exposées les connexions entre le Polisario et le trafic de cocaïne sahélien, thèse que les marocains ont toujours défendu farouchement. A l’heure ou le parrain algérien est en perte de vitesse suite à ses prises de position paradoxales dans l’affaire libyenne,  le Polisario craint que le coup de grâce ne lui soit porté par cette sombre affaire de drogue, qui viendrait ternir un peu plus une crédibilité déjà largement entamée par l’implication présumée de ses combattants au côtés de Kadhafi.