Vingt quatre millions d’Algériens sont appelés jeudi prochain à se rendre aux urnes pour élire le successeur de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, évincé par l’armée le 2 avril dernier, pour incapacité physique, après quatre mandats successifs de cinq ans.
Deux grandes tendances devraient marquer ce scrutin, recommandé par l’armée algérienne pour le règlement de la crise institutionnelle dans le pays.
Le Hirak algérien, qui mobilise depuis le 22 février dernier, des milliers d’Algériens, tous les vendredis et qui appelle au boycott de cette élection, en prônant une transition vers une véritable démocratie, qui s’accompagne par le départ de tous les symboles de l’ancien régime, y compris le chef d’état-major de l’armée, Gaid Salah, 79 ans.
De l’autre côté, nous retrouvons les partisans de cette élection, qui ne sont pas aussi nombreux que les premiers, dont les candidats eux-mêmes aux présidentielles, adhérent à cette thèse.
Le Hirak ne semble pas convaincu que le futur président, élu dans ces circonstances, soit en mesure de procéder aux changements revendiqués par le Hirak qui conserve, jusqu’à présent, son caractère pacifique. D’autres personnalités politiques, comme Ahmed Benbitour et Mouloud Hamrouche, ont refusé de participer à cette élection, en considérant que les conditions n’étaient pas réunies pour un changement, tel que réclamé par le Hirak.
La question fondamentale sera évidemment de savoir quel sera le taux de participation de l’électorat à ces élections, de manière globale, et si la population kabyle, plus particulièrement, concentrée principalement dans les wilays de Tizi Ouzzou, Bouira et Béjaia, va répondre aux consignes locales pour le boycott de cette élection.
Dans cette derrière hypothèse, il s’agira de connaitre quelle sera la position du pouvoir, si les kabyles, qui totalisent 7 millions de personnes, en viennent à boycotter massivement le scrutin. Il s’agira également de savoir quelle sera la suite à donner à cette élection, de manière globale, si le taux de participation enregistre des niveaux très faibles, inférieurs à 20 pour cent, c’est-à-dire en termes chiffrés ; moins de cinq millions d’électeurs.
L’armée va incontestablement mobiliser ses effectifs et ceux de la gendarmerie (quelques 600.000 environ ) pour ce vote, mais cela sera loin de compenser le boycott. Certes, le vote de l’armée ira gonfler le score du candidat qui aura sa préférence, bien qu’il ait été dit que l’armée ne soutiendra aucun candidat.
Selon les comptes rendus de la presse algérienne, la campagne n’aurait pas mobilisé un grand monde, et dans certains cas, les meetings des candidats ont été perturbés par les adversaires du scrutin, qui criaient à la figure des candidats qu’ils font partie de l’ancien système. Effectivement, tous les candidats ont fait leur école au sein du FLN, qu’ils ont quitté pour fonder leur propre parti ou se présenter comme soit disant indépendant (Tebboune).
L’autre interrogation importante et non des moindres sera de savoir si le Hirak va persister, après le rendez-vous de jeudi 12 décembre et si le pouvoir va tolérer ce mouvement, indéfiniment. Le Hirak va-t-il pour sa part, après cette élection, en supposant qu’elle n’enregistre aucun incident, va continuer sur la même lancée ou va-t-il revoir sa stratégie d’action et arrêter un nouveau mode d’action.
L’élection d’un président, seul postulat admis par l’armée, pour régler le vide institutionnel, crée après la démission forcée de Bouteflika, sera-t-elle suffisante pour le règlement d’une crise que le Hirak estime comme étant globale, et non simplement institutionnelle. Le Hirak voudrait un changement radical, qui passe par une Constituante, qui établira une nouvelle Constitution et un calendrier électoral pour un nouveau système politique démocratique.
A priori, l’armée, pour conserver ses privilèges et surtout garder la haute main sur le pouvoir politique, a imposé l’élection d’un Président qui, demain, sera entièrement dépendant de l’armée car, il n’osera en aucun cas, opérer le moindre changement au sein de ce corps, sans l’aval et la caution du chef de l’armée.
Bouteflika, qui redoutait depuis toujours qu’il soit liquidé physiquement par l’armée, avait eu tort de penser qu’il avait fini par imposer son autorité à ce qu’on appelle à tort la grande muette.