Les récentes tensions au Soudan du Sud, un pays déjà marqué par des décennies de conflits, ont franchi un nouveau seuil de gravité, selon l’Autorité intergouvernementale sur le développement (Igad), un bloc d’États d’Afrique de l’Est. L’Igad a alerté mercredi que ces violences grandissantes poussent le pays toujours plus aux portes de la guerre, mettant en péril les maigres progrès réalisés depuis la signature de l’accord de paix en 2018.
Le Soudan du Sud, qui a obtenu son indépendance du Soudan en 2011, n’a jamais connu de stabilité durable. Dès 2013, le pays a sombré dans une guerre civile meurtrière opposant le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar, deux figures politiques rivales. Ce conflit a fait près de 400 000 morts et a forcé environ quatre millions de personnes à fuir leurs foyers. Bien qu’un accord de paix ait été signé en 2018, des tensions sous-jacentes persistent, et de nouvelles violences menacent la fragile stabilité du pays.
Les derniers affrontements dans le Nord-Est du pays viennent de raviver les craintes d’un retour aux hostilités généralisées. Le 4 mars, environ 6000 combattants de l’Armée blanche, un groupe armé composé en grande majorité de jeunes Nuer, l’ethnie de Riek Machar, ont pris d’assaut un camp de l’armée sud-soudanaise. Ces attaques font suite à plusieurs incidents violents, dont l’attaque d’un hélicoptère de l’ONU qui a fait un mort parmi les membres de l’équipage et un général sud-soudanais.
L’Igad, qui regroupe plusieurs pays de la région tels que Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, l’Ouganda et le Soudan, a mis en garde contre la fragilité de l’accord de paix de 2018, soulignant que les incidents récents sont des « indicateurs critiques » de la vulnérabilité du pays à une reprise des violences. Si ces tensions s’intensifient, le risque d’une guerre à grande échelle reste élevé.
La situation sur le terrain se dégrade rapidement, notamment dans les zones les plus touchées par les combats. Des milliers de Sud-Soudanais sont de nouveau contraints à l’exil, fuyant les violences dans le Nord-Est du pays. L’ONU et plusieurs ONG rapportent une détérioration des conditions de vie pour les populations déplacées, tandis que les systèmes de santé et de nutrition s’effondrent sous la pression des crises multiples.
À Renk, une ville proche de Nasir, la situation est particulièrement préoccupante. Un salarié de l’ONG Relief International a rapporté que le système de santé local se dégradait rapidement, tandis que les indicateurs de nutrition continuent de se détériorer avec l’augmentation continue de la population déplacée. L’afflux de réfugiés venus du Soudan voisin, également en guerre, ne fait qu’aggraver la situation.
Face à l’escalade des violences, la communauté internationale a réagi de manière prudente mais préoccupée. Washington a annoncé dimanche le retrait de son personnel non-essentiel du pays, soulignant que le Soudan du Sud est actuellement en proie à un « conflit armé ». De son côté, l’ONU a exprimé de vives inquiétudes concernant les droits de l’homme, avec Yasmin Sooka, présidente de la commission onusienne, avertissant d’une « régression alarmante » qui pourrait compromettre des années de progrès vers la paix.
La situation sécuritaire a également poussé l’Ouganda à déployer des forces spéciales à Juba, la capitale, pour soutenir le président Kiir. Cependant, le gouvernement sud-soudanais a démenti toute présence de forces étrangères, qualifiant la situation de « calme et sûre », et assurant que le pays restait « ouvert et sans danger » pour les visiteurs, y compris les touristes.
Malgré les assurances du gouvernement sud-soudanais, les experts estiment que la situation reste extrêmement volatile. Selon Daniel Akech, de l’International Crisis Group, bien que la situation puisse évoluer dans un sens ou dans l’autre, l’éventualité d’une intensification des affrontements semble plus probable qu’une désescalade. La menace d’une reprise à grande échelle de la guerre civile est toujours présente.
En l’absence d’une véritable désescalade, le Soudan du Sud court le risque de sombrer à nouveau dans la violence, anéantissant les quelques avancées réalisées depuis l’accord de paix de 2018. L’Igad a donc appelé à un retour à la négociation et à la fin des hostilités, soulignant qu’une intervention diplomatique rapide est nécessaire pour éviter un effondrement total du pays.
Le Soudan du Sud se trouve à un carrefour critique. Avec des tensions croissantes et des affrontements de plus en plus fréquents, l’avenir du pays semble incertain. Si les conflits internes persistent, la communauté internationale devra intensifier ses efforts pour prévenir une nouvelle guerre civile qui pourrait anéantir toute chance de paix durable. En attendant, la situation humanitaire continue de se détériorer, et le peuple sud-soudanais demeure pris en étau entre les violences internes et l’inaction des pouvoirs mondiaux.