Ce week-end, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine (UA) se réuniront à Addis-Abeba pour leur sommet annuel, un événement crucial qui abordera les grands défis du continent, notamment les conflits en République Démocratique du Congo (RDC) et au Soudan, ainsi que la réduction globale de l’aide humanitaire décidée par les Etats-Unis.
La 38e session ordinaire de l’Assemblée de l’UA, l’organe décisionnel suprême de l’organisation panafricaine, se tiendra ce samedi et dimanche au siège de l’institution éthiopienne. Cette réunion se déroule dans un contexte particulièrement tendu, avec des enjeux géopolitiques et humanitaires majeurs qui pèsent sur la stabilité de plusieurs régions africaines.
L’escalade du conflit dans l’est de la RDC est l’une des principales préoccupations des dirigeants africains. Depuis le 27 janvier 2023, le groupe rebelle Mouvement du 23 mars (M23) a pris le contrôle de la capitale de la province du Kivu du Nord, une région riche en minerais. Cette offensive, menée après des combats violents avec l’armée congolaise, a fait près de 3 000 morts et environ 2 900 blessés, selon l’ONU.
Le M23, principalement composé de Tutsis ayant survécu au génocide rwandais de 1994, a exacerbé les tensions avec le Rwanda voisin. Le gouvernement congolais accuse Kigali de soutenir ce groupe rebelle, une allégation confirmée par l’ONU. En réponse, le Rwanda et le M23 dénoncent la coopération entre l’armée congolaise et les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), un groupe paramilitaire composé de responsables du génocide et d’autres exilés rwandais. Cette coopération est également corroborée par l’ONU.
L’intensification de ce conflit risque de déboucher sur une guerre régionale, avec des pays voisins de la RDC, dont l’Afrique du Sud, déjà présents militairement sur le sol congolais. Depuis les deux grandes guerres entre 1996 et 2003, qui ont impliqué une dizaine d’États africains, l’Est congolais est devenu une poudrière géopolitique, menaçant de raviver les tensions ethniques et politiques dans toute la région des Grands Lacs.
Le Burundi, en particulier, a déployé plusieurs milliers de soldats dans le Sud-Kivu, en soutien aux forces congolaises contre le M23. Selon des sources sécuritaires, environ 2 500 miliciens burundais combattent aux côtés de l’armée congolaise. Toutefois, ces troupes sont jugées peu efficaces sur le terrain, malgré leur supériorité sur les Forces armées congolaises (FARDC). Cette implication militaire du Burundi a exacerbé la fracture diplomatique avec le Rwanda, les deux pays s’accusant mutuellement d’alimenter les tensions communautaires dans cette région marquée par les souvenirs du génocide rwandais.
Un autre point d’ombre sur le sommet de l’UA est la guerre civile qui ravage le Soudan depuis avril 2023. Ce conflit interne a déjà fait des dizaines de milliers de morts et forcé plus de 11 millions de personnes à fuir leurs foyers, provoquant ainsi la pire crise de déplacés du monde. Le Soudan, plongé dans un chaos humanitaire, est un autre point de friction qui agite le continent africain, avec des conséquences dévastatrices non seulement pour le pays, mais aussi pour les Etats voisins.
L’UA devra également discuter de la réduction de l’aide humanitaire, en particulier après les récentes décisions des Etats-Unis, qui ont considérablement diminué leurs contributions à l’aide internationale. Cette réduction met en péril de nombreuses initiatives vitales à travers le continent, déjà fragilisé par les conflits, les changements climatiques et les crises économiques.
Le sommet de l’UA se tiendra donc sous la lourde pression de ces crises multiples, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour la paix et la stabilité de toute la région. Si tous les chefs d’Etat des pays membres de l’UA sont attendus, il reste à voir si les présidents du Rwanda, Paul Kagame, et de la RDC, Félix Tshisekedi, se rencontreront en personne pour discuter de la situation explosive dans les Grands Lacs.
Le think tank International Crisis Group (ICG) a averti que le risque de voir ce conflit se transformer en une confrontation régionale, rappelant les horreurs des années 1990, est élevé. La communauté internationale, à travers ce sommet, espère une prise de décision forte et une coopération renforcée pour désamorcer ces tensions et apporter une réponse collective aux crises qui défigurent le continent.