La décision de l’Algérie d’autoriser la présence croissante de Wagner au Sahel suscite des débats intenses quant aux motivations et aux conséquences de la stratégie algérienne, surtout que la Mauritanie et le Tchad pourraient être les prochaines cibles du groupe paramilitaire russe, après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, estiment des experts occidentaux.
Alors que le Sahel reste une zone de grande turbulence, avec son lot de conflits et de menaces terroristes, cette ouverture stratégique vers Wagner suscite des interrogations sur les intérêts sous-jacents de l’Algérie et les répercussions potentielles de la présence du groupe russe sur l’équilibre régional.
L’un des arguments avancés par le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), le général Saïd Chengriha, en faveur de l’implication de Wagner, est la nécessité de renforcer les capacités de lutte contre les groupes et les mouvements indépendantistes dans le sud de l’Algérie et le nord du Mali.
Le président Abdelmadjid Tebboune veut, lui aussi, consolider la présence de Wagner pour renforcer ses relations économiques et énergétiques avec la Russie. Les entreprises russes pourraient potentiellement investir dans des projets d’infrastructures et d’extraction de ressources naturelles, créant ainsi des opportunités économiques à long terme.
En permettant à Wagner de s’établir dans le Sahel, l’Algérie cherche également à diversifier ses alliances géopolitiques. Pour les dirigeants algériens, cette démarche leur servira de contrepoids aux influences occidentales ou d’autres acteurs régionaux.
L’Algérie voit en Wagner un allié potentiel pour contrebalancer l’influence française dans la région. Cela pourrait permettre à Alger de maintenir une certaine autonomie dans sa politique régionale et de renforcer sa position diplomatique.
C’est probablement avec cet objectif que Saïd Chengriha s’est rendu en visite en Russie le 31 juillet 2023. Lors de son entrevue avec le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou à Moscou, le général a déclaré que face au «comportement destructeur» de l’Occident, Alger fait son possible pour renforcer son armée.
En effet, en juin dernier, les présidents Vladimir Poutine et Abdelmadjid Tebboune s’étaient rencontrés à Moscou afin de signer une déclaration de partenariat stratégique approfondi, censée donner un nouvel élan à la relation entre les deux pays.
Sergueï Choïgou a confirmé le deal, assurant qu’en 2022 les deux États avaient conclu un contrat pour la fourniture de chars, de systèmes de défense aérienne ainsi que des avions russes.
Pourtant, Wagner continue d’être pointé pour ses opérations, qui sont souvent entourées de secret, entraînant des préoccupations quant à la transparence et à la responsabilité de ses actions menées dans le Sahel.
Cette opacité alimente également des doutes sur les véritables intentions de l’Algérie, qui avait interdit le survol de son territoire aux avions militaires français, en octobre 2021, pour soi-disant répondre aux déclarations du président français Emmanuel Macron évoquant notamment « un système politico-militaire » au pouvoir à Alger.
En réalité, cette interdiction de survol permettait à Wagner d’acheminer du matériel militaire russe et iranien au Mali après le coup d’état d’Assimi Goïta en mai 2021.
La perspective de l’arrivée de Wagner en Mauritanie et au Tchad est donc suivie avec d’autant plus d’inquiétude que les unités du groupe russe ont acquis une sulfureuse réputation après leurs opérations controversées en Centrafrique, en Syrie et en Libye.