Le Tchad et la nouvelle alliance des rebelles

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Le long feuilleton de la crise tchadienne promet encore de nouveaux rebondissements. Après leur défaite en 2008, Il semble que les factions rebelles tchadiennes sont décidées à repartir en guerre contre N’Djamena en scellant leur union pour renverser le régime de leur ennemi juré le président Idriss Déby Itno qualifié de « dictateur ».

En effet, huit mouvements rebelles tchadiens viennent de créer l'Union des Forces de la Résistance (UFR) à Hadjer Marfaine, une localité soudanaise près de la frontière tchadienne. Cette nouvelle alliance s’est fixée comme objectifs de procéder à des préparatifs militaires, de "libérer le peuple tchadien et de renverser le régime de la dictature" et d’organiser, in fine,  des élections libres une fois le président renversé. Le document signé par les groupes rebelles prévoit une période de transition d’une période ne dépassant pas 18 mois, qui débouchera sur des élections libres. Les rebelles promettent de garantir le pluralisme politique, l’indépendance de la justice et la liberté de la presse.
Les mouvements adhérents à cette Union des Forces de la Résistance (UFR) sont le Conseil Démocratique (CDR) d'Albadour Acyl Ahmat Achabach, le Front Populaire pour la Renaissance Nationale (FPRN) d'Adoum Yacoub Koukou, le Front pour le Salut de la République (FSR) de Ahmat Hassaballah Soubiane, le Rassemblement des Forces pour le Changement (RFC) de Timan Erdimi, l'Union Démocratique pour le Changement (UDC) d'Abderaman Koulamallah, l'Union des Forces pour le Changement et la Démocratie (UFCD) de Adoum Hassabalah, l'Union des Forces pour la Démocratie et le développement (UFDD) du général Mahamat Nouri, l'Union des Forces pour la Démocratie et le Développement-Fondamentale (UFDD-F) d'Abdelwahid Aboud Makkaye.
En 2008, alors qu’ils étaient à deux doigts de renverser le régime de Deby, des divergences ont éclaté au jour au sein du camp rebelle à propos de la désignation d’un chef et les rebelles avaient finalement été repoussés. Il parait que les principales factions rebelles aient apparemment mis en sourdine leurs querelles et dissensions pour  s’unir contre le régime de Déby.
Condamnée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, la tentative de 2008 visant à s’emparer du pouvoir par la force a suscité des indignations de la communauté internationale qui ne cesse d’appeler à la résolution pacifique des différends et au maintient de la paix et de la sécurité dans la région. Les affrontements entre les groupes rebelles et les forces gouvernementaux ont fait des centaines de morts et des milliers de blessés, contraignant des milliers de tchadiens à fuir la capitale vers la ville camerounaise frontalière de Kousseri.
Ce nouveau rassemblement illustre le primat de la force et de la conquête du pouvoir par les armes qui caractérise ces pays africains. Cette alliance guerrière ne fera que basculer le Tchad dans une guerre généralisée aux conséquences chaotiques  et désastreuses sur la population tchadienne.
La récurrence de la rébellion et des affrontements meurtriers au Tchad traduit bel et bien une crise sociale profonde et criarde due à la déception et la frustration d’une large frange de la société  tchadienne. Le pouvoir lui a promis monts et merveilles : une redistribution des richesses, un avenir meilleur. Cependant, les revenus pétroliers générés depuis la mise en production des champs pétrolifères tchadiens n’ont profité qu’à une minorité. Leurs retombées tardent à porter leurs fruits et à marquer le changement tant espéré. La Banque Mondiale n’est pas allée de main morte en faisant état d’un certain nombre de détournements des revenus et en appelant à la bonne gouvernance socio-économique. D’aucuns y voient la malédiction de la rente pétrolière qui motive les actions de cette union belligérante et attise les convoitises des groupes rebelles.
La crise tchadienne est également l’expression de la crise politique que traverse le régime d’Idriss Déby, une crise de confiance qui perdure entre les acteurs politiques et le pouvoir, entre les acteurs politiques eux-mêmes et entre les acteurs politiques et la population.
En outre, on ne peut analyser ce qui se passe actuellement au Tchad sans le lier au contexte régional. La guerre par alliances croisées livrée par les pouvoirs soudanais et tchadien est un secret de polichinelle. Les affrontements au Tchad sont intimement liés à la guerre au Darfour et leur interdépendance exige une solution radicale qui tient en compte des liens profonds et complexes entre les deux crises. L’instrumentalisation des alliances croisées animée par des raisons politiques et/ou tribales a créé les conditions propices pour la  pérennisation  voire l’extension du conflit.
En analysant la configuration actuelle et la composition ethnique et militaro-politique de cette nouvelle alliance des groupes rebelles, on doute fort bien de sa capacité de tenir ses promesses et de mettre en application son programme politique une fois au pouvoir. Rivalités, leadership controversé, manque de consens, intérêts personnels et étriqués, considérations tribales et ethniques, ingérences externes et calculs géostratégiques, autant de facteurs endogènes et exogènes qui fragilisent cette union de circonstance. Force est de souligner que les considérations ethniques et les rivalités egocentriques joueront certainement un mauvais détour à ce nouveau rassemblement de guerre et c’est finalement le peuple tchadien qui va payer le prix fort de ce conflit. Alors à ce moment là, bonjour l’anarchie et les dégâts !
C’est à l’aune d’un processus de paix et de bonne gouvernance et au terme d’élections libres et transparentes avec la participation de toutes les forces vives de ce pays et de toutes les tendances et susceptibilités politiques que le Tchad trouvera enfin la paix et la stabilité.