Dans l’histoire de l’humanité sont rares celles et ceux que leurs actions ont été précurseurs d’un changement de dimension internationale. La conception de quiconque changement ne peut se faire sans tenir en compte les évolutions que connaisse le monde et sans regarder les défis, les enjeux qui s’imposent et sur le plan social et sur le plan politique. En effet, la révolution arabe continue d’essaimer et beaucoup de pays, à l’image de la Libye, le Yémen et la Syrie, connaissent un enlisement sans précédent dont les répercussions n’épargneront aucune économie régionale. D’autres pays qui ont connus la révolution sont dans une période de transition incertaine, et de mettre en place une réforme politique capable de répondre aux aspirations n’est pas une chose acquise, au moins à court terme. Face à ses métamorphoses qui secouent plusieurs pays, il est temps dans cette région du monde de concevoir une nouvelle ère de réformes d’ordre politico-institutionnelles et d’articuler entre deux pouvoirs, défiance et de confiance, longtemps dans leurs rapports de forces, sont disproportionnées. Chaque action réformatrice nécessite un commencement, le courage c’est la condition sine qua none pour y arriver.
L’articulation entre les deux pouvoir de défiance et de confiance, gage de la stabilité, passe par la mise en place des mécanismes institutionnels solides, d’un réel éveil de la démocratie et participative et représentative. Alors que beaucoup de dirigeants arabe entravent les aspirations de leurs peuples, le Roi du Maroc, Mohammed VI, et à la différence de ses homologues arabes, avec une volonté audacieuse n’a pas hésité d’impulser son pays dans une nouvelle génération de réformes institutionnelles. Dans cette perception, le Souverain, et avec une approche participative, a associé l’ensemble des forces politiques et les représentants de la société civile à l’élaboration de la nouvelle Constitution. Une procédure qui a été mise au point par la mise en place d’une commission ad-hoc qui s’est chargée de mener des consultations, sans exclusion, avec l’ensemble des partis politiques, les syndicats et les associations de la société civile. Dans la stratégie de créer un Etat moderne, ayant pour fondement les principes de participations, de pluralisme et de bonne gouvernance, le projet de la constitution élaborée fera l’objet d’un référendum le 1er Juillet prochain. C’est une phase phare dans laquelle le peuple marocain est souverain, libre d’exprimer son adhésion ou bien son refus à la charte constitutionnelle présentée. Si la démocratie a vu le jour a Athènes il y a 2500 ans, elle s’exercée depuis dans des contextes si différente et sous des formes si disparates que il est irrationnel de ne pas la concevoir sans une démarche progressive et certaine. Dans ce sens, toute lecture subjective de la nouvelle constitution dénuée des considérations régionales et des questions géopolitiques reste superficielle et loin de se considérer comme objective. L’examen de cette nouvelle constitution illustre, illico presto, le choix irréversible du royaume du Maroc de s’inscrire dans la voie de la démocratisation et le renforcement des institutions d’un Etat moderne qui a pour souci de développer une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale. Outre le renforcement du pluralisme, des droits de l’homme et des libertés individuelles, la nouvelle charte s’illustre par son courage de briser des spécificités politiques et sociales, longtemps considérées dans les sociétés arabo-musulmanes, comme tabous et de les expliciter ou les ressusciter relevaient de l’agressivité culturelle. C’est une caractéristique qui distinguera nettement le Maroc de la majorité des pays arabes qui sont encore englués dans l’immobilisme et la résignation. Nul ne peut nier le fait que la démocratie est plus qu’un processus une culture qui nécessite le temps et la pédagogie. Pour parvenir, la nouvelle charte constitutionnelle a mis l’accent sur le respect de la diversité culturelle (arabo-berbère) en officialisant, fort et bien, la langue amazigh. Cette constitutionnalisation est en fait un renouvellement du pacte linguistique et une reconnaissance des origines multiculturelles du pays. La grande ambition du Maroc de hisser ses lois en matière de respect des libertés et des droits fondamentaux à un niveau comparable à celles qui sont ancrées au référentiel des droits de l’homme s’est concrétisée, sans tergiversation, en rédigeant noir sur blanc un ensemble de mesure affermissant la primauté des conventions internationales en la matière. Ainsi, la constitution stipule clairement le droit à la vie, la présomption d’innocence, la liberté d’expression et d’accès à l’information et le droit de pétition. Depuis l’intronisation du Roi Mohammed VI, le Maroc n’a cessé, guère, d’instaurer des mécanismes pour faire une rupture totale avec les années de plomb qui ont caractérisées une partie de son histoire. Cette résolution royale s’est faite transcrite au travers de la prohibition de la torture, des disparitions forcées et le droit à un procès équitable outre la garantie de droits fondamentaux en matière de détention et de garde à vue. Puisque une société ne saurait de s’amputer longtemps d’une moitié d’elle-même, le souverain a révolutionné le monde musulman en engageant son pays dans une réforme courageuse, celle du Code de la famille. C’est une refonte qui a été l’objet d’un consensus national qui a permet, entre autre, à la femme d’accéder au Parlement par le biais des listes exclusivement féminines. La présente charte annoncée par le Roi a renforcé constitutionnellement le statut et les droits de femmes dans la société. De plus, le projet de la nouvelle constitution impose un engagement constitutionnel de l’Etat marocain à œuvrer à la réalisation de la parité ainsi que de l’égalité entre les hommes et les femmes. L’une des grandes exigences politiques de notre société, c’est de donner aux femmes la place qui leur revient. La présence et l’engagement de Lala Salma, épouse du roi, dans des missions sociales et caritatives est une garantie et une volition d’asseoir la femme comme l’axe de rotation de la société marocaine. Afin de mettre les mécanismes d’une monarchie ou le gouvernement du peuple est par le peuple, le champ politique a fait l’objet d’une perestroïka révolutionnaire sans précédent. Le point orgue de cette mesure se trouve dans la séparation et l’équilibre des pouvoirs: législatif, exécutif et judiciaire. A ce propos, la nouvelle constitution définit clairement les cadres d’interactions des trois pouvoirs dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. Souvent a été un sujet de débat, la constitution a supprimé toute référence à la sacralité du Roi outre la distinction explicite et circonstanciée des pouvoirs du Roi. Du fait que la démocratisation des institutions est intrinsèquement liée à l’indépendance de la justice, la constitution marocaine se caractérise dorénavant par la présence des normes universelle en la matière garantissant une indépendance effective du pouvoir judiciaire. La moralisation de la vie politique et la consécration du principe de corrélation entre l’exercice de responsabilités et de mandats publics et la reddition des comptes se sont consolidées par la naissance d’une assemblée collégiale, Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire, indépendante du politique. Pour balayer les déficits démocratiques et sociaux accumulés depuis l’indépendance du Maroc, le législateur s’est évertué de renforcer le pouvoir du Parlement bicaméral en lui attribuant des compétences élargies. Depuis l’indépendance la scène politique marocaine n’a cessé de fonctionner dans un esprit de connivence entre des partis politiques sans clivage politique. Lors des élections législatives de 2007, on a pu constater une hausse très caractéristique du taux d’abstention. Une réalité qui a poussé le Roi à se prononcer pour une « méthodologie démocratique » pour nommer le premier ministre ; une stratégie pour donner un élan à la participation politique. En dépit de cette volonté royale le Maroc politique s’est apparu comme un ‘homme malade’. La construction de l’action politique s’est avérée substantielle et inhérente à la redynamisation de d’une scène politique, faudrait-il dire, stérile. La déstérilisation passe par la construction de l’action politique et de pousser, ainsi, les partis politique à endosser leurs responsabilités dans l’animation de la vie politique. Pour qu’il assume bien sa fonction de direction, un parti politique aspirant la direction du gouvernement est dans l’obligation, aujourd’hui, de convaincre les électeurs. Son programme politique sera jugé à travers un suffrage universel. L’article 47 de la nouvelle constitution stipule distinctement le pouvoir du premier ministre qui dorénavant devenu un Chef de gouvernement qui sera mécaniquement nommé au sein du parti arrivé en tête des élections législatives. De fait, le Chef du gouvernement se voit dans la responsabilité d’assumer le plein pouvoir exécutif avec un gouvernement émanant de la majorité parlementaire. Il révoquera les ministres, nommera les hauts fonctionnaires et les dirigeants des entreprises publiques. Il convoquera le conseil de gouvernement à sa convenance et celui-ci aura toute latitude pour examiner les questions courantes. Le Conseil des ministres aura pour sa part, un rôle d’arbitrage sur les grandes questions, relevant par exemple de la stratégie. La notion de ministres de souveraineté n’a donc plus lieu d’être. Par contre, les grandes questions telles que la sécurité, seront débattues dans des cadres prévus à cet effet. Outre la séparation entre les pouvoir et l’assurance de la constitutionnalisation de leurs équilibres, l’article 10 constitutionnalise le statut et les droits spécifiques de l’Opposition parlementaire. Entre autre, ladite clause garantie à l’Opposition la présidence de droit de la commission en charge de la législation au sein de la Chambre des représentants ; une première mondiale en la matière. L’économie marocaine s’est largement ouverte sur le monde. Le statut avancé qui lui a été accordé par l’Union européenne illustre la place et l’équilibre que joue le Maroc dans la région du Mena. C’est un défi qui a nécessité l’émergence de plusieurs structures s’attelant à réduire les disparités socio-économiques. L’éradication du chômage et l’amélioration des conditions de travail sont au cœur dans la nouvelle charte. Ainsi et pour pouvoir permettre à chacun un accès au travail, les pouvoirs publics doivent outre accompagner les demandeurs d’emploi dans leur recherche d’assure à chaque citoyenne ou citoyen l’accès à un logement décent. Dans une économie mondiale qui en mutation, et sans l’esprit de l’initiative, aucun pays ne peut canaliser ses ressources que se soient humaines ou économiques sans une politique économique efficiente. C’est un objectif qui ne peut se réaliser sans une démocratie territoriale. De ce sens, la constitutionnalisation de la régionalisation avancée rime avec la volonté de renforcer la politique de proximité. Le développement de la déconcentration de l’Etat central qui a été mentionné clairement dans la nouvelle charte va sans aucun doute responsabiliser les collectivités territoriales et le travail des Conseils régionaux. Dans un monde qui se métamorphose, la question qui se pose aujourd’hui est de délimiter la dimension politique de la religion. Un nouveau contrat social passe par la protection de la concorde sociale. Il est donc nécessaire que le souverain exerce un contrôle en gardant la main sur le champ religieux. C’est une réaffirmation très importante pour la cohésion sociale d’un pays mariant authenticité et modernité. Aussi, la conjoncture internationale marquée d’une part par la montée des extrémismes et d’autre part, par le prosélytisme politico-religieux des chiites iraniens nécessitent un regard vigilant sur la religion pour ne pas permettre aux religieux de transformer les croyances en un jeu de pouvoir. Alors que le monde arabe connaît toujours une forte agitation sous des prétextes religieux, le Maroc tient là la clé de sa stabilité. Néanmoins, la constitution reste en soi même un ensemble de textes juridiques qui définit les différentes institutions composant l’État et qui organise leurs relations. Cette donne n’exige pas seulement l’instauration des institutions solides nouvelles mais aussi, et consubstantiellement, une élite sereine et des ressources humaines hautement qualifiées ni de dire un état d’esprit citoyen pauvre de toute outrecuidance. Les sceptiques comme les cyniques qui s’échinent de regarder avec une subjectivité dénuée de toute considération de la perception rationnelle et intelligente de cette évolution constitutionnelle, en fait, n’essaient que de masquer leurs désir d’assujettir une opposition systématique agressive. Toute tentative de désocialisation, en essayant de diviser la société, n’est qu’une manière de disloquer et de plonger une société dans la déprime collective. C’est au fondamentalisme intellectuel qu’il faut faire face pour protéger la société de la dérive et la faire avancer, ainsi, avec certitude et responsabilité. L’histoire de l’évolution démocratique au Maroc est inhérente à l’histoire de son monarchie, qui, il faut le dire, n’est pas un truisme. C’est l’histoire d’un ordre politique cohérent et en même temps complexe, parfois fragile, qui a maintes fois a été miné de l’intérieur, assailli de l’extérieur et parfois dénigré au niveau international, mais qui pourtant, en dépit de dédain de ses détracteur et le mépris de ses ennemis, réussit à survivre en s’inscrivant dans la démarche réformiste. Pour y parvenir, cet ordre est inédit et originel. Il a tiré son inspiration de son propre sol, des fondateurs de sa propre couronne. Elle a édifié ses propres institutions et s’est nourri d’une diversité de religions, de langues et de cultures régionales que les sceptiques considéreraient comme incompatible avec une démocratie en état de fonctionner. Depuis, le Maroc n’a cessé de surprendre les observateurs et avec cette nouvelle constitution, il a certainement gagné ses galons de grand précurseur de la démocratie arabe.
Par Dr. Cherkaoui ROUDANI Géopolitologue