Contexte politique et stratégique
Le régime d’Abdelmadjid Tebboune, président de la République d’Algérie, et du général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), persiste à utiliser une combinaison de stratégies de propagande, de répression et de manipulation politique afin de préserver son pouvoir et de gérer les tensions internes. Cette dynamique s’inscrit dans un contexte de contestation populaire croissante depuis les manifestations du Hirak en 2019, qui ont entraîné la chute du président Abdelaziz Bouteflika. Selon une analyse des services de renseignement occidentaux, datée de 2023, cette configuration vise à contrer les revendications populaires tout en maintient l’ordre social et politique.
Contrôle des médias et des libertés publiques
Le contrôle strict des médias demeure une pierre angulaire de la stratégie du régime. Les chaînes de télévision publiques, les journaux d’État et les radios servent à diffuser la version officielle des événements, tandis que les médias indépendants sont sous pression. Les journalistes critiques sont systématiquement ciblés, harcelés, et parfois emprisonnés. Après les manifestations du Hirak, plusieurs journalistes ont été incarcérés, et une censure accrue sur les plateformes numériques a été mise en place pour limiter la diffusion de messages contestataires. Les autorités ont également intensifié les restrictions sur l’usage d’internet, fermant des sites web critiques et surveillant activement les réseaux sociaux pour limiter la circulation de discours anti-régime.
Manipulation de la perception publique
L’un des principaux leviers de cette stratégie reste l’usage de la propagande pour minimiser l’ampleur des critiques. Les chaînes publiques dépeignent systématiquement le gouvernement comme soutenu par une majorité silencieuse et disqualifient les manifestations comme marginales. Une attention particulière est accordée à la diffusion d’un message de stabilité et de sécurité, en recourant à la peur d’un retour à l’instabilité des années 1990, lorsque la guerre civile a fait des milliers de victimes. Le régime se présente comme le garant de la stabilité, arguant que toute contestation pourrait mener à un nouvel effondrement social et politique.
L’armature sécuritaire : le rôle central de l’armée
L’armée, dirigée par Saïd Chengriha, est un acteur clé dans la gestion des contestations. Présentée comme le pilier de la stabilité, elle est utilisée pour justifier les actions répressives et la continuité d’un régime autoritaire. Le général Chengriha, souvent perçu comme le véritable homme fort du pays, insinue que toute tentative de déstabilisation pourrait conduire à un chaos similaire à celui des années 1990. L’ANP, en tant qu’institution centrale, fait ainsi figure de rempart contre les forces extérieures et internes, qu’elles soient islamistes ou issues d’opposants politiques.
L’héritage de l’indépendance et légitimation du pouvoir
Tebboune et Chengriha s’appuient également sur un discours nationaliste centré sur l’héritage de la guerre d’indépendance pour renforcer leur légitimité. Le régime se positionne comme le seul héritier authentique de la lutte pour la souveraineté nationale, tout en exploitant les symboles du Front de Libération Nationale (FLN) pour justifier son autorité. La glorification des martyrs et de la guerre d’indépendance est utilisée pour renforcer l’identité nationale et inciter à la mobilisation autour du régime. Toute opposition est parfois dépeinte comme une menace contre cet héritage et les idéaux associés à la souveraineté algérienne.
Répression et division de l’opposition
Le régime utilise une répression ciblée contre les figures de l’opposition, les militants des droits de l’homme, et les contestataires du Hirak, tout en déployant des stratégies pour diviser les mouvements d’opposition. Les personnalités politiques et les activistes de la Kabylie, notamment, sont fréquemment victimes de harcèlement judiciaire ou de violence physique. Les manifestations sont réprimées par la force, et des dizaines de personnes sont emprisonnées pour avoir exprimé pacifiquement leur désaccord. Les autorités déploient également une politique de division en exacerbant les fractures idéologiques et régionales parmi les opposants pour empêcher l’émergence d’une alternative unitaire au régime.
Propagande numérique et soutien populaire
Le gouvernement met en œuvre une guerre de l’information via des campagnes régulières sur les réseaux sociaux, utilisant des influenceurs pro-régime et des comptes officiels pour délégitimer les opposants et renforcer l’image d’un pouvoir stable et fort. Ces messages visent à diffuser une perception positive de l’action gouvernementale tout en ridiculisant les critiques. En parallèle, la propagande d’Etat minimise les revendications populaires et renforce l’idée que tout changement radical pourrait entraîner des conséquences dramatiques pour le pays.
Conclusion
La stratégie de maintien du pouvoir mise en place par Tebboune et Chengriha repose sur une manipulation subtile de l’information, l’intensification de la répression et le contrôle de la narration historique. La mobilisation de l’armée et l’exploitation des peurs collectives liées à l’instabilité sont des outils centraux dans cette dynamique, tout comme la construction d’une identité nationale fortement ancrée dans l’héritage de la guerre d’indépendance. Dans ce contexte, la persistance du régime semble tributaire de la capacité à maintenir une division au sein de l’opposition et à contrôler efficacement les flux d’informations et les médias.