Les discours anti-français en Afrique francophone se sont répandus au-delà des élites urbaines éduquées et le phénomène pourrait « s’enraciner durablement », estime Alain Antil, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) dans un entretien avec l’AFP. Une tendance sur laquelle le président algérien a surfé en réintroduisant un couplet anti-français dans l’hymne national de l’Algérie.
Les critiques de la politique de la France ont été accompagnées ces dernières années de manifestations violentes à l’encontre de sociétés françaises telles que Total ou contre des représentations diplomatiques au Tchad, au Mali et plus récemment au Burkina Faso.
La profondeur du phénomène n’a « rien de comparable avec ce qu’on pouvait voir dans les décennies précédentes », souligne Alain Antil, qui dirige le Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri et qui publie mercredi, avec son collègue Thierry Vircoulon, une étude consacrée aux « Thématiques, acteurs et fonctions du discours anti-français en Afrique francophone ».
On est désormais loin du temps « où les critiques, très articulées (…) étaient confinées à des cercles dirigeants d’intellectuels et qui, parfois, lors de crises politiques graves, pouvaient se répandre dans la rue », dit-il.
Il est frappant de constater que les détracteurs ne cherchent même plus à faire la démonstration de contre-vérités.
Pour le chercheur, l’intensification du sentiment anti-français s’explique par « des trajectoires économiques et politiques décevantes » dans des pays où la population avait un temps fondé l’espoir de progrès économiques et en matière de démocratie.
« Les opinions publiques africaines sont extraordinairement sensibles — on peut les comprendre — au fait de les traiter d’égal à égal et non pas d’avoir quelqu’un qui donne des leçons ou qui ironise », conclut-il.
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, est allé même jusqu’à signer un nouveau décret présidentiel qui rétablit un couplet de l’hymne national algérien antifrançais, et qui avait été « retiré » en 1986 par le président Chadli Bendjedid pour des considérations politiques de l’époque.
Le couplet de la discorde dans l’hymne national algérien est : Ô France ! le temps des palabres est révolu, Nous l’avons clos comme on ferme un livre, Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes, Prépare toi ! voici notre réponse, Le verdict, Notre révolution le rendra, Car nous avons décidé que l’Algérie vivra, Soyez-en témoin ! Soyez-en témoin ! Soyez-en témoin !