Corne de l’Afrique : L’Érythrée, la Somalie et l’Égypte s’unissent contre l’Éthiopie

La nouvelle alliance sécuritaire entre l’Érythrée, la Somalie et l’Égypte risque d’isoler davantage l’Éthiopie, augmentant ainsi les chances de conflit, selon des analystes. 

Le président somalien, Hassan Sheikh Mohamud, a récemment visité l’Érythrée, le même jour que son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi. Cette rencontre intervient dans un climat de tensions croissantes entre la Somalie et l’Éthiopie. Selon le gouvernement égyptien, la visite de M. Sissi vise à « renforcer la stabilité et la sécurité dans la Corne de l’Afrique et la mer Rouge », alors que l’Égypte soutient la Somalie face à son voisin éthiopien, notamment en raison du méga-barrage hydroélectrique (GERD) qu’Addis Abeba a construit sur le Nil.

Des analystes, comme Andrew Smith de Verisk Maplecroft, considèrent cet accord comme une alliance manifestement dirigée contre l’Éthiopie. Les relations entre la Somalie et l’Éthiopie se sont détériorées depuis la signature, le 1er janvier, d’un protocole d’accord entre Addis Abeba et la région séparatiste du Somaliland, un acte que Mogadiscio considère comme une « agression » à sa souveraineté. Cet accord permet à l’Éthiopie de louer 20 km de côtes du Somaliland pour une période de 50 ans.

Parallèlement, les tensions entre l’Éthiopie et l’Érythrée ont également augmenté, malgré le soutien d’Asmara aux forces éthiopiennes durant le conflit avec les rebelles du Tigré entre 2020 et 2022, où des atrocités ont été signalées.

Lors de leur rencontre, l’Érythrée, l’Égypte et la Somalie ont convenu de renforcer leurs relations pour promouvoir la stabilité régionale. Omar Mahmood, analyste à l’International Crisis Group, note que la Corne de l’Afrique semble se diviser en zones antagonistes avec des soutiens extérieurs variés.

Smith décrit ce développement comme un tournant important dans les relations régionales, contrastant avec les premières années du mandat du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, qui avaient vu une amélioration des liens entre ces trois pays. « Pour la Somalie, échanger Addis contre Le Caire, son plus grand rival, représente un changement considérable », précise-t-il.

Cet accord pourrait chercher à contrecarrer les ambitions maritimes de l’Éthiopie, mais il demeure principalement une posture diplomatique sans intention de confrontation militaire directe. Cependant, le climat de méfiance et le manque de communication pourraient engendrer une escalade des tensions.

Le porte-parole du ministère éthiopien des Affaires étrangères a décrit les relations avec l’Érythrée comme « pacifiques », tandis qu’Abiy Ahmed a récemment averti que l’Éthiopie « humilierait quiconque oserait nous menacer », sans préciser de pays.

L’accord soulève des interrogations sur l’avenir de la mission de l’Union africaine en Somalie, qui doit être renouvelée en janvier 2025. Smith anticipe que la Somalie pourrait exiger le retrait des troupes éthiopiennes, tandis que Mahmood souligne que cela complique les efforts de médiation de la Turquie.

Pour Mogadiscio, cette alliance vise à solidifier sa position face à Addis Abeba, mais elle pourrait également inciter l’Éthiopie à adopter une posture encore plus défensive face à des pays unis contre ses ambitions régionales.