L’avocat et figure emblématique de la gauche tunisienne, Ayachi Hammami, a été interpellé mardi, quelques jours seulement après avoir été condamné en appel à cinq ans de prison dans le vaste dossier dit de « complot contre la sûreté de l’Etat ». L’information a été confirmée par son avocat.
Agé de 65 ans, Hammami avait brièvement intégré le gouvernement en 2020 en tant que ministre chargé des droits humains et des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile.
Militant des droits humains depuis l’ère Bourguiba puis sous Ben Ali, Ayachi Hammami jouit d’une longue réputation d’opposant respecté. Sa peine, initialement fixée à huit ans, avait été ramenée à cinq lors du jugement en appel. Il comparaissait libre aux côtés d’une quarantaine d’autres personnalités poursuivies pour « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » et pour « appartenance à un groupe terroriste ».
Selon son avocat, Amine Bouker, les forces de sécurité ont procédé à son arrestation avant même qu’il n’ait eu le temps de former un pourvoi en cassation. « Il aurait dû disposer de dix jours pour se pourvoir. Ils ne lui en ont pas laissé la possibilité », regrette-t-il.
Anticipant son arrestation, Ayachi Hammami avait enregistré une vidéo diffusée sur Facebook, dans laquelle il accuse directement le président Kaïs Saïed d’être derrière la décision. « C’est une décision politique destinée à emprisonner des dizaines de Tunisiens », déclare-t-il. « Voilà la réponse de Saied aux crises de l’éducation, des transports, de la santé : stigmatiser et faire taire ceux qui ne pensent pas comme lui. »
Son arrestation survient quelques jours après celle de Chaïma Issa, opposante et poétesse, interpellée lors d’une manifestation contre la politique du chef de l’Etat dans le centre de Tunis.
Depuis la concentration des pouvoirs entre les mains du président Kaïs Saïed à l’été 2021, les ONG tunisiennes et internationales alertent sur une dégradation rapide des libertés dans le pays, autrefois présenté comme l’un des rares succès du Printemps arabe.
Plusieurs dizaines d’opposants, avocats, journalistes et acteurs de la société civile sont actuellement détenus, souvent pour des accusations de complot ou en vertu d’un décret criminalisant la diffusion de « fausses informations ».
