Le Mali traverse une période de tensions croissantes avec son voisin algérien, notamment en raison du soutien présumé de l’Algérie aux mouvements séparatistes et armés dans le pays. Un récent procès, celui de neuf partisans de l’imam Mahmoud Dicko, met en lumière ces relations complexes et renforce les accusations de soutien algérien aux groupes contestataires au Mali. L’affaire est emblématique de la dégradation des liens entre Bamako et Alger, exacerbée par des divergences politiques profondes et des accusations d’ingérence.
Le rôle de l’imam Dicko et les tensions croissantes
Depuis 2020, l’imam Mahmoud Dicko, une figure influente de la politique malienne, s’oppose fermement au gouvernement militaire dirigé par le général d’armée Assimi Goita. Selon les autorités maliennes, l’imam bénéficie du soutien et du financement de l’Algérie, ce qui a considérablement aggravé les relations entre les deux pays. Dicko est perçu par Bamako comme un agent de déstabilisation. Les neuf accusés, membres de son groupe, ont été jugés la semaine dernière pour « rassemblement illégal » après avoir été arrêtés le 14 février 2024, alors qu’ils préparaient l’accueil de l’imam de retour d’Algérie. Cependant, Dicko avait décidé de rester en Algérie, exacerbant ainsi les tensions diplomatiques et provoquant la rupture des relations entre Bamako et Alger.
L’Algérie, médiateur controversé
L’Algérie a tenté de jouer un rôle de médiateur dans le processus de paix au Mali, accueillant plusieurs réunions avec des groupes armés du nord du pays, notamment ceux liés à l’Azawad. Toutefois, ces rencontres ont été perçues par Bamako comme une ingérence dans les affaires internes du Mali. En effet, les autorités maliennes estiment que le soutien de l’Algérie à des groupes séparatistes et son dialogue avec l’imam Dicko, qui cherche à évincer le gouvernement intérimaire, sont des actes incompatibles avec la souveraineté du pays. L’accusation de soutien algérien aux mouvements séparatistes fait écho à des tensions plus larges dans la région.
Le procès : un message fort à Alger
Le procès des partisans de Dicko, qui s’est déroulé au tribunal municipal de Bamako, envoie un message clair à Alger : l’implication dans des groupes armés ou dans des tentatives de déstabilisation du gouvernement malien est inacceptable. L’accusation porte sur la participation à un rassemblement illégal, mais les avocats de la défense ont insisté sur le fait que les accusés avaient informé les autorités de leur intention de se rendre à l’aéroport, sans obtenir de réponse formelle.
Bien que le jugement ne soit attendu que la semaine prochaine, les neuf accusés, dont certains ont exprimé leur soulagement après l’audience, devraient être condamnés à des peines de prison avec sursis. Cela reflète la volonté de Bamako de maintenir une pression symbolique sur l’Algérie tout en évitant des condamnations trop sévères.
L’Algérie et le Mali : des relations sous tension
Le rôle de l’Algérie dans les affaires internes du Mali a été un sujet de vives critiques de la part des autorités maliennes. En décembre 2023, la visite de l’imam Dicko en Algérie sans coordination avec Bamako avait provoqué une réaction ferme de la part du gouvernement malien, qui a rappelé son ambassadeur à Alger. Le Mali a dénoncé ce qu’il considère comme des « comportements hostiles » et des « réunions répétées » entre l’Algérie et des personnalités ou des groupes opposés au gouvernement malien.
Bamako a exprimé son refus de toute ingérence dans ses affaires intérieures, insistant sur la nécessité d’un dialogue direct avec Alger en respectant la souveraineté du Mali. Le gouvernement malien a d’ailleurs appelé l’Algérie à privilégier « le dialogue avec les autorités maliennes, la seule légitimité » du pays, afin de maintenir des relations interétatiques respectueuses.
Une frontière commune, des enjeux sécuritaires croissants
Le Mali et l’Algérie partagent une frontière de plus de 1 359 kilomètres, une zone qui a longtemps été un terrain propice aux trafics illicites et aux activités des groupes armés. L’armée malienne poursuit sa lutte pour reprendre le contrôle de son territoire, y compris les régions occupées par les rebelles dans le nord, proches de la frontière avec l’Algérie. Ces zones sont particulièrement sensibles en raison des activités des groupes djihadistes et des trafiquants de toutes sortes.
En dépit des tensions diplomatiques, les deux pays partagent des défis sécuritaires communs et des préoccupations sur la stabilité de la région. Si l’Algérie souhaite jouer un rôle de médiateur, son soutien à certains groupes rebelles malien pourrait se retourner contre elle, risquant de renforcer la méfiance de Bamako et d’aggraver la situation.
Conclusion
Le procès des partisans de l’imam Dicko est bien plus qu’une simple procédure judiciaire : il symbolise l’affrontement géopolitique entre le Mali et l’Algérie, avec des implications profondes pour la stabilité de la région. Si l’Algérie cherche à jouer un rôle de médiateur, sa proximité avec certains acteurs contestataires maliens risque de miner ses efforts. Le Mali, de son côté, semble déterminé à défendre sa souveraineté, en ne tolérant aucune ingérence dans ses affaires internes, tout en cherchant à stabiliser un territoire où les défis sécuritaires demeurent immenses