Alors que la météo s’inscrit bien en dessous des normales saisonnières dans la capitale du Royaume Chérifien, le Roi Mohammed VI a pris à revers nombre d’observateurs en nommant Mustapha Al-Bakkoury, 45 ans, à la tête de la toute nouvelle MASEN (Moroccan Agency for Solar Energy).
Al-Bakkoury, que l’on disait en disgrâce prolongée suite à son éviction de la Caisse de Dépôts et de Gestion en juin dernier, était au cœur d’un certain nombre de spéculations, tant son limogeage avait surpris. En effet, le quadra était jusque là l’un des plus éminents représentants du « Makhzen économique », ayant effectué une montée en puissance spectaculaire de la Caisse de Dépôts et de gestion, qui est désormais au centre de tous les investissements stratégiques du Royaume Chérifien, du tourisme à la finance, en passant par les télécommunications suite au rachat des parts de Telefonica et Portugal Telecom dans Méditel, ou encore dans l’automobile en prenant une participation dans le projet de Renault à Tanger. Extrêmement discret depuis son départ, Al-Bakkoury avait apparemment pris sa mise à l’écart avec philosophie, puisqu’il s’était abstenu de toute sortie publique jusqu’à une réunion du Mouvement pour tous les Démocrates, association pilotée par Fouad Ali Al Himma, ancien ministre délégué à l’intérieur, présenté comme proche du roi. Cette sortie avait alors alimenté les rumeurs faisant état d’une possible entrée en politique du technicien, mais il semblerait que ce dernier, qui connaît bien les rouages du Makhzen-il a dirigé une société d’aménagement de Casablanca de 1995 à 1998, sous la direction de Driss Basri, alors ministre de l’intérieur- aie préféré se mettre en réserve, attendant que le vent tourne. Il n’aura pas fallu longtemps pour qu’ Al-Bakkoury soit remis en selle, puisqu’il devra piloter le projet le plus ambitieux annoncé par le Maroc lors des dix dernières années, le plan solaire inauguré en grande pompe le 2 Novembre dernier à Ouarzazate, en présence du roi, de la secrétaire d’Etat US Hilary Clinton et du Tout-Rabat et Casablanca de la politique et des affaires. Le projet vise la mise en place d’ici 2020 au plus tard d'une capacité de production électrique à partir de l'énergie solaire ayant une capacité totale à terme de 2 000 MW sur cinq sites : Ouarzazate-Ain Bni Mathar-Foum Al Oued-Boujdour et Sebkhat Tah. Cette puissance, selon les marocains, représentera 14% de la capacité électrique à l'horizon 2020, et ce dans un pays très dépendant de l’énergie extérieure. Al-Bakkoury, qui s’était habitué à gouverner seul lorsqu’il était à la tête de la Caisse de Dépôts, devra néanmoins compter avec deux « coéquipiers » de choc, la ministre de l’énergie et de mines Amina Benkhadra, et le patron de l’office de l’Eau et de l’Electricité Ali Fassi Fihri (ONE/ONEP). Benkhadra aura finalement réussi à avoir la tête de celui qui était pressenti jusqu’ici pour diriger la MASEN, Saïd Mouline, actuel patron du CDER (Centre de Développement de Energies Renouvelables, basé à Rabat), spécialiste reconnu des énergies renouvelables, et ancien de l’Office des Phosphates. Las, son ambition jugée « démesurée » par la ministre aura eu raison de ses aspirations de patron d’agence, et la nomination d’Al Bakkoury aura pour effet de faire taire les critiques éventuels, tant ses compétences sont reconnues. Quant à Ali Fassi-Fihri, il faudra attendre avant d’évaluer l’état de ses relations avec Al-Bakkoury, car ce technicien qui déteste la lumière a derrière lui le puissant clan El Fassi, incluant son épouse, ministre de la santé, son frère, ministre des affaires étrangères, ainsi que son oncle, premier ministre….