Le tribunal administratif de Paris a rejeté, jeudi, la demande de victimes du génocide des Tutsi au Rwanda, qui cherchaient à faire condamner l’État français pour sa complicité présumée dans la tragédie de 1994. Le tribunal a estimé qu’il était « incompétent » pour traiter cette affaire.
L’objet du recours était de déterminer si les faits reprochés à la France constituaient des « actes de gouvernement », qui bénéficient d’une immunité juridictionnelle, notamment pour des raisons liées à la diplomatie, à la sécurité nationale ou aux actes de guerre. Le tribunal a jugé que les décisions et actions de la France entre 1990 et 1994 à l’égard du Rwanda et de l’ONU relevaient des relations internationales de l’État, échappant ainsi à la compétence des juridictions administratives.
Cette requête, déposée en avril 2023 par une vingtaine de victimes ou témoins du génocide, ainsi que par deux associations – « Rwandais Avenir » et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) – était la première du genre devant la justice administrative. Les requérants accusaient l’État français de ne pas avoir empêché le génocide, en dépit de ses soutiens politique, diplomatique et militaire aux extrémistes hutu avant, pendant et après la tragédie.
Lors de l’audience du 24 octobre, l’avocat des victimes, Serge Lewisch, avait souligné que la France « pouvait éviter ce génocide » et l’avait « laissé se produire », notamment en soutenant les génocidaires. Les requérants, qui réclamaient 700 millions d’euros de réparations, reprochaient à Paris de ne pas avoir dénoncé le traité d’assistance militaire signé en 1975 avec le gouvernement rwandais, qu’ils considéraient comme « génocidaire ».
La requête visait également à interroger l’opération française Turquoise, lancée sous mandat de l’ONU, et qui avait fait l’objet d’un non-lieu général en octobre 2023, une décision contestée par les parties civiles, qui ont fait appel. Ces dernières accusaient la France de « complicité de génocide », estimant que l’armée française avait délibérément laissé des civils tutsi réfugiés à Bisesero entre le 27 et le 30 juin 1994, permettant ainsi le massacre de centaines d’entre eux.
Les requérants s’appuyaient en partie sur le rapport d’une commission d’historiens présidée par Vincent Duclert, qui avait examiné des archives françaises et conclu à des responsabilités « lourdes et accablantes » de la France dans la préparation et le déroulement du génocide. Toutefois, le rapport n’a pas retenu de « complicité » de génocide de la part de la France.
Le génocide au Rwanda, survenu entre avril et juillet 1994, a fait plus de 800 000 morts, principalement au sein de la minorité tutsie, selon l’ONU.