Algérie : Pourquoi et comment le pouvoir algérien parraine le Polisario à Tindouf (éclairage du CNS)

Depuis près de 50 ans, le Front Polisario bénéficie d’un ancrage durable sur le territoire algérien, dans la région de Tindouf. Cette implantation n’est pas seulement humanitaire, comme le présente le discours officiel algérien, mais résulte d’un soutien politique, militaire et diplomatique assumé du pouvoir algérien, un instrument d’influence dans la région sahélo-saharienne et africaine.

A. Les motivations stratégiques du soutien algérien :

1. Rivalité historique avec le Maroc

Le différend frontalier non résolu de la guerre des Sables (1963) et les tensions récurrentes sur la délimitation des frontières ont nourri une méfiance structurelle entre Alger et Rabat.

L’appartenance historique de Tindouf au Sahara oriental marocain, confirmée par les archives françaises, n’est pas un simple détail : elle est l’origine du conflit actuel.

Par ailleurs, le dossier du Sahara occidental est devenu un levier pour affaiblir le Maroc sur la scène internationale et empêcher sa consolidation territoriale.

2. Construction d’une profondeur stratégique

En hébergeant le Polisario à Tindouf, Alger se dote d’un outil militaire et politique lui permettant de garder une marge de pression permanente sur son voisin de l’Ouest.

Le Polisario sert aussi de force supplétive dont la dépendance vis-à-vis d’Alger réduit les risques d’autonomie incontrôlée de la Kabylie et du Sud de l’Algérie.

3. Positionnement international

Le soutien au Polisario permet au pouvoir algérien de se présenter comme le « champion de la cause des peuples à l’autodétermination » auprès du Mouvement des non-alignés, de l’Union africaine et de certains partenaires historiques (Cuba, Afrique du Sud, etc.).

Cette posture nourrit la diplomatie de principe qu’Alger revendique, tout en lui offrant des appuis dans certaines instances multilatérales.

B. Les mécanismes du parrainage algérien :

1. Hébergement et encadrement territorial

Les camps de “réfugiés sahraouis’’ à Tindouf, installés depuis 1975, se trouvent sur un territoire placé sous contrôle militaire algérien.

Le Polisario y exerce une administration de facto, mais sous surveillance étroite de l’armée algérienne et de ses services de renseignement.

2. Soutien militaire et logistique

Alger fournit un entraînement, des équipements et un encadrement opérationnel aux combattants du Polisario.

Des bases arrières et dépôts logistiques existent dans la région de Tindouf, permettant au Polisario de maintenir une capacité militaire avec du matériel et des experts issus de l’Iran.

3. Appuis financiers et diplomatiques

Selon plusieurs estimations, l’Algérie consacre chaque année près de 850 millions d’euros au financement direct et indirect du Polisario, entre aides logistiques, soutien militaire, diplomatie et prise en charge des infrastructures des dirigeants de l’élite de ce groupe à l’étranger.

Une partie de l’aide humanitaire internationale destinée aux réfugiés émigrés africains dans les camps de Tindouf, transite par les autorités algériennes, ce qui leur donne un moyen de contrôle et de pression.

L’Algérie mobilise ses ambassades et sa diplomatie pour défendre la thèse de l’autodétermination et l’existence de la “RASD” (République arabe sahraouie démocratique).

C. Les conséquences de ce parrainage :

1. Blocage régional

Ce soutien entretient un conflit gelé depuis plus de 40 ans, empêchant l’Union du Maghreb arabe de se concrétiser et privant la région d’une intégration économique bénéfique.

2. Tensions permanentes avec le Maroc

Le dossier du Sahara occidental est devenu l’un des principaux foyers de discorde diplomatique et militaire entre Alger et Rabat.

3. Enjeux sécuritaires

La militarisation du Polisario et son implantation dans une zone instable aux portes du Sahel soulèvent des inquiétudes sur les risques de dérives, d’infiltration terroriste et de trafics illicites.

Le parrainage algérien du Polisario à Tindouf ne se limite pas à un simple geste humanitaire : il s’agit d’un choix stratégique et idéologique inscrit dans la durée.

Il reflète la volonté du pouvoir algérien de maintenir une carte d’influence régionale face au Maroc, au prix d’un conflit prolongé qui fragilise la stabilité maghrébine. Tant que ce soutien persistera, toute solution durable au différend saharien restera difficilement envisageable.