Amnesty International a publié hier mercredi un rapport intitulé « Des galons sur les épaules, du sang sur les mains » qui contient, selon l’ONG, suffisamment de preuves contre des hauts gradés de l’armée nigériane impliqués dans la lutte contre Boko Haram pour permettre à la Cour Pénale Internationale de lancer contre ces derniers des poursuites pour crimes de guerre.
Ce rapport de 133 pages a été réalisé à partir de plusieurs centaines d’entretiens, notamment avec des membres des forces armées nigérianes, et de documents du ministère nigérian de la Défense auxquels l’ONG a eu accès. Il en ressort que les forces armées nigérianes auraient procédé à plus de 1 200 exécutions extrajudiciaires, arrêtées de manière arbitraire au moins 20 000 personnes, en grande majorité de jeunes hommes et des adolescents, et commis d’innombrables actes de torture. Au moins 7 000 Nigérians seraient morts de faim, par manque de soins médicaux, ou des suites des conditions de surpopulation carcérale.
Pour Amnesty Internationale, ces actes sont indéniablement des crimes de guerre. L’ONG pointe notamment du doigt cinq hauts gradés de l’armée en charge des opérations dans le nord-est du Nigéria depuis 2012 et deux chefs d’état-major de l’armée et deux chefs d’état-major de la Défense, dont la responsabilité individuelle et hiérarchique serait engagée et devraient faire l’objet d’une enquête. Amnesty International estime que les preuves contenues dans ce rapport sont suffisantes pour permettre à la CPI de rouvrir le dossier des poursuites de l’armée nigériane quant à des violences systématiques commises à l’encontre de civils dans le cadre de la contre-insurrection contre Boko Haram. L’enquête préliminaire ouverte sur ce point avait dû être suspendu faute de preuves suffisantes.
La présidence nigériane a promis juste après la publication de ce rapport qu’elle l’examinerait avec le plus grand soin. L’armée nigériane de son côté a démenti ces accusations, qualifiant ce rapport de « partisan et inventé », et accusé l’organisation de défense des droits de l’homme de vouloir servir des intérêts politiques.