En abritant à partir d’aujourd’hui une conférence de coordination regroupant les ministres des affaires étrangères de six pays Sahéliens (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie Libye), l’Algérie semble vouloir reprendre la main sur un dossier qui a connu des évolutions récentes significatives en termes d’évolution des contre-mesures à adopter pour limiter la prolifération des bandes criminelles et des groupes terroristes évoluant au sein de l’arc sahélien.
En effet, Alger veut impulser un dialogue régional dont elle contrôlerait le calendrier stratégique, en vue notamment d’éviter une cacophonie similaire à celle qui s’est déroulée avec Bamako le mois dernier, le Mali décidant de manière unilatérale de relâcher quatre terroristes affiliés à Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), afin de permettre la libération du français Pierre Camatte, par ailleurs agent de la DGSE (renseignement extérieur français). Cette libération des quatre terroristes présumés par le Mali, fruit d’un tricotage juridique, avait eu pour conséquence le rappel de l’ambassadeur algérien en poste à Bamako, ainsi qu’une grosse colère diplomatique, les algériens estimant-peut-être à juste titre- que céder au chantage des kidnappeurs risque de créer un précédent grave dans une région durement éprouvée par les enlèvements d’étrangers, et risquerait d’encourager les groupes mafieux ou terroristes à multiplier ce genre d’opérations afin de faire relâcher leurs membres ou sympathisants. Mais au-delà de cette crispation des relations bilatérales, la réunion qui doit se tenir à partir d’aujourd’hui à Alger révèle un agenda diplomatique beaucoup plus ambitieux, sur fond de continuum de guerre froide avec l’ennemi « intime » d’Alger : le Maroc. Premier acte de l’affrontement : le Maroc veut se positionner depuis trois ans sur le dossier crucial de la sécurité sahélo-sahélienne pour pousser son agenda en faveur du plan d’autonomie au Sahara Occidental, développant l’argument selon lequel le Front Polisario constitue un danger pour la sécurité de la région. Or, les évènements semblent donner raison au marocains, preuve en est la récente arrestation en Mauritanie d’un cadre du Polisario qui serait l’auteur présumé des enlèvements de trois humanitaires espagnols en Mauritanie. Second acte, le Royaume chérifien-à travers la Fédération Africaine des Etudes stratégiques, présidée par un marocain- a réussi le tour de force de réunir l’ensemble des pays africains à l’exception notable de l’Algérie, pour un symposium sur la sécurité en Afrique à Marrakech. Alger aurait pris sa non-invitation comme un camouflet. Bien qu’elle estime que le Maroc veuille jouer la surenchère pour rallier l’occident à son plan d’autonomie pour le Sahara Occidental, L’Algérie semble assez préoccupée par la situation sécuritaire pour organiser cette réunion ministérielle. Cette dernière sonne donc comme un aveu et un avertissement. En premier lieu, il est désormais avéré que la situation dans le Sahel est suffisamment dégradée pour qu’émerge un certain niveau de coordination entre les pays concernés. Dans le prolongement de cette réflexion, l’Algérie refuse d’être en position de « suiveur », soit elle mène le bal, soit elle ne participe pas du tout à la concertation. N’est pas puissance régionale qui veut…