Lors de la finale de la Coupe militaire de football, tenue récemment au Centre de regroupement et de préparation des équipes sportives militaires (CREPESM) à Ben Aknoun (Alger), le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avec le général Saïd Chengriha, a assisté à la cérémonie aux côtés de nombreux hauts responsables militaires, protégés derrière des verres pare-balles, selon les observateurs.
L’initiative de renforcer la sécurité de cette tribune est révélatrice des tensions politiques et militaires qui secouent actuellement l’Algérie. Cette décision fait écho à un contexte politique et institutionnel particulièrement délicat, marqué par des changements dans la hiérarchie militaire et des affrontements internes au sein de l’Armée nationale populaire (ANP).
L’Algérie traverse une période de turbulences politiques depuis la crise de 2019, qui a conduit à la démission du président Abdelaziz Bouteflika et à la mise en place du gouvernement actuel. Cette crise a engendré un processus de réformes qui a ébranlé les structures du pouvoir et affecté les rapports entre les différentes factions militaires et politiques.
En témoignent les incarcérations de plus de 150 hauts gradés de l’armée, dont 60 généraux, une situation sans précédent dans l’histoire contemporaine du pays.
Certains de ces officiers ont été accusés de corruption, d’abus de pouvoir et d’implication dans des complots visant à déstabiliser l’État, tandis que d’autres dénoncent une répression politique visant à affaiblir des figures militaires jugées loyales à l’ancien système.
La détention de ces généraux dans des conditions difficiles, notamment à la prison militaire de Blida, a exacerbé les tensions au sein de l’armée et de la société, alimentant des rumeurs sur des luttes de pouvoir internes.
Dans ce contexte, la mise en place de verres blindés autour de la tribune présidentielle est perçue comme une mesure de sécurité dictée par la crainte de troubles ou d’incidents. Le général Saïd Chanegriha, chef d’État-major de l’ANP, qui a accueilli le président Tebboune, incarne la figure centrale du pouvoir militaire actuel. Toutefois, la situation demeure tendue, avec des factions militaires rivales qui pourraient percevoir cet événement comme une occasion de marquer une opposition, voire de perturber la cérémonie.
Bien que la finale de la Coupe militaire soit un événement principalement sportif, elle se déroule dans un climat où les enjeux politiques et militaires se superposent, et où chaque geste est scruté avec attention par les acteurs en quête de pouvoir.
La Coupe militaire de football, au-delà de l’aspect sportif, revêt une dimension symbolique. Elle met en lumière l’Armée algérienne comme institution centrale et véhicule un message d’unité nationale. Cependant, les conditions de détention des généraux incarcérés et les répercussions des mesures de répression, parfois sévères et controversées, mettent en évidence les divisions profondes qui traversent l’armée et l’État algérien.
Le choix de la sécurité renforcée s’interprète comme une volonté de prévenir toute tentative de déstabilisation lors d’événements où les symboles de l’État sont en jeu. Alors que les officiers de l’ANP, qui ont contribué à la lutte contre le terrorisme dans les années 1990, font face à des humiliations publiques et à des emprisonnements parfois considérés comme politiques, la protection du président et de ses alliés reflète une inquiétude grandissante face à des rivalités internes et à l’instabilité persistante.
Ces verres sont le symbole d’une Armée nationale populaire qui, bien qu’unifiée autour de certaines valeurs fondamentales, est de plus en plus confrontée à des divisions internes, des rivalités et un climat de méfiance. Dans ce contexte, chaque mesure de sécurité, même symbolique, devient un marqueur des fragilités du régime et des inquiétudes vis-à-vis de l’avenir politique et militaire du pays.