RDC : Bukavu se prépare à une offensive du M23, l’ONU redoute le pire

La capitale du Sud-Kivu, Bukavu, se prépare vendredi à une possible attaque imminente du M23 et de ses alliés rwandais, alors que le conflit qui déchire l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) prend une tournure inquiétante. L’ONU exprime de vives inquiétudes, craignant « le pire » pour la population de cette région, avec des répercussions qui pourraient s’étendre au-delà des frontières congolaises.

Le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame doivent se retrouver samedi à Dar es Salaam, pour un sommet extraordinaire réunissant la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC). Kinshasa demande la mise en place de sanctions contre Kigali, alors que les tensions sont à leur paroxysme.

Le conflit, qui dure depuis plus de trois ans malgré de multiples tentatives diplomatiques, a pris une tournure dramatique ces dernières semaines. Le M23 et les forces rwandaises ont récemment pris le contrôle de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, une avancée qui a amplifié l’incertitude sur l’avenir de la région. À présent, la province voisine du Sud-Kivu semble être le prochain objectif du groupe armé antigouvernemental, soutenu par l’armée rwandaise. 

Les forces congolaises, souvent décrites comme mal formées et corrompues, font face à une pression accrue, soutenues par des jeunes recrues mal équipées, les « Wazalendo » (« patriotes » en swahili). L’ONU a annoncé qu’une session extraordinaire du Conseil des droits de l’Homme, prévue vendredi, pourrait décider du lancement d’une mission internationale pour enquêter sur les exactions commises par toutes les parties dans ce conflit, qui a déjà fait près de 3 000 morts depuis le 26 janvier.

Volker Türk, le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, a révélé que son équipe vérifiait de multiples accusations de violences sexuelles, de viols collectifs et d’esclavage sexuel dans les zones de conflit. Il a averti que « si rien n’est fait, le pire est peut-être encore à venir pour les habitants de l’est de la RDC, mais aussi au-delà », soulignant que le risque d’escalade n’a « jamais été aussi élevé ».

D’après des sources sécuritaires, humanitaires et locales, les troupes du M23 et les forces rwandaises étaient vendredi à quelques dizaines de kilomètres de l’aéroport de Kavumu, situé à une trentaine de kilomètres de Bukavu. 

La ville, d’un million d’habitants, vit dans une agitation croissante. La population, entre peur et précipitation, se prépare à l’attaque imminente, avec certains habitants cherchant à fuir vers la frontière rwandaise. « Il y a une forte tension, des magasins se barricadent en soudant des plaques métalliques et les petits commerçants vident leurs stocks pour les mettre à l’abri, de crainte des pillages », a relaté une source locale, sous couvert d’anonymat. « La frontière avec le Rwanda est ouverte, mais elle est presque impraticable, tant le monde s’y presse. C’est la panique totale », a-t-elle ajouté.

Les établissements bancaires et scolaires de la ville sont également affectés. La principale banque de Bukavu est restée fermée, provoquant des bousculades et des files d’attente dans d’autres agences, tandis que plusieurs écoles et universités ont suspendu leurs cours en raison de la situation sécuritaire volatile.

Lors de son premier meeting public jeudi à Goma, le M23 a réaffirmé son objectif de « libérer tout le Congo ». Dans le même temps, l’ONG suisse Entraide Protestante Suisse (EPER) a annoncé la mort de trois de ses collaborateurs, tués dans une attaque dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu.

Les autorités congolaises accusent le Rwanda de vouloir piller les ressources naturelles de l’est de la RDC, tandis que Kigali défend sa position en affirmant que son intervention vise à éradiquer des groupes armés qui menacent sa sécurité.