Algérie : 10 ans de prison requis contre l’écrivain Boualem Sansal, un procès qui envenime les tensions avec la France

Le régime algérien semble exploiter des affaires comme celle de Boualem Sansal pour détourner l’attention de la population des problèmes internes qui minent le pays.

En mettant en scène des procès médiatiques et en agitant le spectre de la menace extérieure, notamment à travers des accusations d’atteinte à l’intégrité territoriale, les autorités cherchent à canaliser le mécontentement populaire vers un ennemi extérieur, comme la France, tout en occultant les graves crises économiques, sociales et politiques qui frappent l’Algérie.

Cette stratégie permet de renforcer la légitimité du pouvoir en créant un climat de nationalisme et d’unité face à des prétendues attaques contre le pays, tout en écartant les discussions sur la corruption, le chômage, les pénuries ou la répression des libertés fondamentales.

Le régime instrumentalise ainsi des affaires symboliques pour maintenir le contrôle politique, tout en détournant l’attention des véritables enjeux internes qui affectent la vie quotidienne des algériens.

Le parquet algérien a requis jeudi une peine de 10 ans de prison ferme à l’encontre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie. Ce procès, qui se déroule dans un contexte diplomatique tendu, a exacerbé les relations déjà fragiles entre Alger et Paris.

Boualem Sansal, 80 ans, auteur de romans célèbres et critique du pouvoir algérien, a été emprisonné depuis le 16 novembre à Alger. Il est jugé pour des propos tenus en octobre dernier dans une interview au média français Frontières, considéré comme proche de l’extrême droite.

Sansal y a évoqué des revendications marocaines concernant le Sahara occidental, ce qui a été interprété par l’accusation comme une attaque contre l’intégrité du territoire algérien.

Le tribunal correctionnel de Dar El Beida, situé près d’Alger, rendra son verdict le 27 mars. Sansal, qui s’est défendu seul pendant son procès, a nié avoir eu l’intention de nuire à l’Algérie. Il a affirmé qu’il ne faisait qu’exprimer une opinion personnelle, sans imaginer que ses propos puissent être perçus comme une menace pour l’unité nationale.

Le procès de l’écrivain a pris une ampleur diplomatique importante, notamment après la reconnaissance par le président français Emmanuel Macron, en juillet 2024, du plan d’autonomie marocain sur son Sahara occidental.

Ce revirement a alimenté les tensions entre la France et l’Algérie, qui soutient le groupe terroriste Front Polisario. Depuis, l’Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris et menaçant la France de représailles.

La situation s’est encore tendue début janvier avec l’arrestation en France d’influenceurs algériens, suivie du rejet par l’Algérie de l’expulsion d’un ressortissant algérien, Doualemn, en janvier. Ces événements ont aggravé la crise diplomatique entre les deux pays.

Le cas de Boualem Sansal a également eu un large écho en France, où il a reçu un soutien massif, notamment de cercles intellectuels et politiques.

Le président Macron a exprimé son désir de voir une « issue rapide » à cette affaire pour permettre à l’écrivain de « retrouver sa liberté ». Il a également souligné l’importance d’une solution humanitaire, en particulier étant donné l’état de santé de Sansal, malade.

David Lisnard, maire de Cannes et membre des Républicains, a estimé que « compte tenu de l’âge et de l’état de santé » de Boualem Sansal, cette condamnation serait « équivalente à une condamnation à mort ».