En Algérie, le souvenir de la guerre civile des années 90 résiste à l’oubli, particulièrement pour les familles de quelque 10 mille disparus qui ont manifesté mardi à Alger, essuyant la réaction musclée des services de sécurité qui ont procédé à de nombreuses arrestations, y compris parmi les personnes âgées.
La violente intervention de la police a visiblement été déclenchée lorsque les manifestants ont brandi des photos de disparus, exigeant de savoir le sort de leurs proches. Toutefois, les troupes ont perdu leur sang froid une fois que les protestataires ont commencé à scander des slogans accusant le gouvernement et les redoutables services secrets de la DRS, d’être responsables des disparitions durant la « Décennie noire » des années 90.
La question des disparitions massives n’est plus un tabou en Algérie depuis que le pouvoir a reconnu, en 2005, la responsabilité des « agents de l’Etat » dans ces disparitions qui se sont étalées sur près d’une décennie. Les violences politiques avaient commencé en décembre 1991, à la veille des élections législatives qui donnaient le parti du Front islamique du Salut (FIS) largement en tête.
L’annulation du scrutin par les chefs de l’armée a aussitôt déclenché un terrible cycle de répression, d’enlèvements et de guérilla urbaine qui a fait environ 200.000 morts en l’espace d’une décennie, ainsi qu’un nombre incalculable de disparus.
C’était une période pénible où les citoyens quittaient leur domicile sans être assurés d’y retourner, selon les témoignages de journalistes qui ont réussi à fuir l’Algérie et à trouver refuge en Europe. Souvent, des personnes étaient égorgées ou liquidées par balles devant leurs enfants.
En tout, les autorités ont fixé le nombre de disparus entre 1992 et 1998 à 6.146 personnes. Mais les ONG internationales de défense des droits de l’homme et le Comité national des familles de disparus (CNFD) parlent de quelque 18000 disparus.