Algérie : Loi mémorielle, criminalise la France, nie les juifs algériens et les chrétiens kabyles

En adoptant à l’unanimité une loi criminalisant la colonisation française (1830-1962), le Parlement algérien n’a pas rendu justice à l’histoire : il l’a instrumentalisée.

Debout dans l’hémicycle, écharpe nationale autour du cou, les députés ont applaudi un texte présenté comme un acte de souveraineté, mais qui relève avant tout d’une opération politique de diversion.

La loi fait porter à l’Etat français « la responsabilité juridique » des crimes coloniaux, essais nucléaires, torture systématique, exécutions extrajudiciaires, pillage des richesses,  réclamant des excuses officielles ainsi qu’une indemnisation « complète et équitable ». Elle qualifie en outre de « haute trahison » la collaboration des harkis et criminalise toute tentative de justification de la colonisation.

Sur le papier, le texte se veut un manifeste de justice historique. Dans les faits, il s’agit d’un acte de mémoire sélective, conçu pour figer l’Algérie dans un statut de victime perpétuelle, tout en effaçant soigneusement les responsabilités du régime militaire algérien depuis 1962.

Cette loi ne dit pas est aussi révélateur que ce qu’elle proclame. Elle passe sous silence les crimes commis par l’Etat algérien indépendant : spoliations massives, exclusions, effacement culturel et religieux, répression politique. Pire encore, elle interdit implicitement toute interrogation sur ces zones d’ombre en sacralisant un récit officiel intouchable.

Parmi les victimes volontairement rayées de ce récit figurent les juifs d’Algérie et les chrétiens de Kabylie. Présents sur cette terre bien avant la conquête française, ils ne sont ni des héritages coloniaux ni des anomalies historiques. Ils sont une part constitutive de l’Algérie plurielle que le régime militaire s’emploie à nier depuis plus de soixante ans.

Leur disparition quasi totale après l’indépendance est systématiquement minimisée, quand elle n’est pas purement ignorée. Jamais elle n’est analysée comme le produit d’un climat de peur, d’une politique d’exclusion ou d’un abandon délibéré par l’Etat. Elle est présentée comme un « départ naturel », presque mécanique. Une falsification assumée.

Après 1962, des dizaines de milliers de juifs algériens et de familles kabyles chrétiennes ont été dépouillés de leurs biens : maisons, commerces, terres, écoles, lieux de culte. Ces spoliations n’ont rien d’accidentel. Elles ont été organisées, tolérées ou validées par les autorités, sans restitution, sans indemnisation, sans reconnaissance. A ce jour, aucun texte de loi algérien ne les mentionne.

Dans la loi mémorielle adoptée par l’APN, ces crimes n’existent pas. Le régime algérien se pose en procureur du colonialisme tout en se garantissant une amnésie totale sur ses propres exactions. Il exige réparation pour hier, mais refuse toute responsabilité pour aujourd’hui.

Pour de nombreux analystes et observateurs occidentaux, cette initiative portée sous l’autorité du général Saïd Chengriha et du président Abdelmadjid Tebboune relève moins d’un travail de mémoire que d’un exercice de propagande. En fixant la France comme coupable unique et éternel, le régime évite toute introspection sur ses propres responsabilités, notamment envers les minorités devenues indésirables dans la construction d’un récit national homogène, autoritaire et falsifié.

Pour la consommation intérieure en Algérie, à défaut de reconnaître toutes les victimes de l’histoire algérienne, y compris celles produites par l’Etat indépendant, cette loi ne répare rien. Elle enterre la vérité, sanctuarise le mensonge et transforme la mémoire en instrument de domination de l’institution militaire.