Depuis 2013, quatre millions de personnes ont été déplacées par les combats au Soudan du Sud, dont deux millions à l’intérieur même du pays. Les sites de protection des civils (SPC), créés alors pour permettre à la population de se mettre à l’abri des combats, sont aujourd’hui des lieux où il est plus question de survie que de protection. Reportage dans les SPC de Bentiu et Malakal, où les équipes de MSF interviennent.
En septembre 2018, un nouvel accord de paix prévoyant un partage du pouvoir a été signé à Addis-Abeba, la capitale de l’Éthiopie, par le président Salva Kiir et son opposant, Riek Machar. L’avenir des sites de protection des civils (SPC) est depuis évoqué, ainsi que celui des 180 000 personnes vivant aujourd’hui dans six de ces camps. Bien que les conditions de vie soient très difficiles dans les SPC, pour beaucoup, elles restent préférables à la vie en dehors des camps.
100 000 personnes vivent dans le camp de Bentiu, dans le nord du pays, et les enjeux de sécurité, de santé et d’accès à l’eau y sont colossaux. Bien que les SPC soient protégés par les forces de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS), la sécurité reste relative dans le camp. Les vols, les pillages et les violences sexuelles sont récurrents. Ceux qui ont un travail ou une source de revenus s’exposent à un risque accru de violences.
Dans le camp, le trop-plein des latrines s’écoule le long des berges et forme une boue stagnante et épaisse, dans laquelle les enfants jouent. Près de la moitié des patients reçus au service ambulatoire ou hospitalisés dans le centre de santé de 160 lits de MSF sont des enfants de moins de cinq ans. Beaucoup souffrent de diarrhée sévère aiguë, d’affections cutanées, d’infections des yeux, qui pourraient être évitées en améliorant les conditions d’assainissement et d’approvisionnement en eau.
À l’est de Bentiu, Malakal, capitale de l’État du Nil Supérieur et deuxième ville la plus peuplée avant la guerre, a été lourdement affectée par la guerre. Les destructions y restent visibles : bâtiments en ruines, voitures
incendiées et quartiers vides rappellent constamment la violence des combats.
Les équipes MSF y gèrent un hôpital au sein du SPC, dans lequel 30 000 personnes ont trouvé refuge. « On peut se procurer facilement des graines de sorgho ici, mais on n’a pas l’argent pour les broyer, ni d’eau pour les cuisiner. Il n’y a pas assez d’eau, nous sommes trop nombreux ici », explique Martha, jeune femme de 27 ans qui vient de l’est de Malakal.
En 2018, 51 personnes ayant tenté de se suicider ont été admises à l’hôpital de MSF dans le camp. Les équipes de MSF ont effectué plus de 2 400 consultations de santé mentale. Certains patients ont été profondément affectés par le niveau de violence extrême du conflit, et ressentent un désespoir exacerbé par leurs conditions de vie actuelles.