Algérie : Houris, le livre qui fait trembler le général Saïd Chengriha

L’écrivain franco-algérien Kamel Daoud a remporté lundi dernier le prestigieux prix Goncourt pour son ouvrage «Houris», qui plonge dans les massacres de la «décennie noire» en Algérie, période de guerre civile violente entre 1992 et 2002. Ce livre, qui dresse un portrait cru et sans fard de cette période sombre de l’histoire algérienne, est toutefois interdit en Algérie.

A l’occasion de la remise du prix au restaurant Drouant, à Paris, l’auteur de 54 ans a exprimé sa reconnaissance en ces termes : « C’est un livre qui peut donner du sens à ce qu’on vit dans ce pays-là. Mais il est né parce que je suis venu en France. Parce que c’est un pays qui me donne la liberté d’écrire. » Il a également souligné l’importance de la France en tant que refuge pour les écrivains, un pays où la liberté d’expression lui a permis de s’épanouir après avoir quitté sa ville natale d’Oran, où il ne pouvait plus s’exprimer librement.

Houris, interdit en Algérie, se heurte à une législation stricte interdisant la publication de tout ouvrage traitant de la guerre civile qui a ravagé le pays pendant une décennie. Cette censure témoigne d’une volonté de contrôler le récit officiel de cette période complexe et tragique.

Le contexte de ce livre s’inscrit dans un climat particulièrement tendu en Algérie, notamment depuis la publication de l’ouvrage « Le printemps du terrorisme en Algérie », signé par Rami Aomar. Ce livre, qui ébranle les fondements du pouvoir militaire algérien, dévoile les dessous du terrorisme dans le pays durant la « décennie noire » et met en lumière la manière dont certains généraux algériens, dont Smail Lamari, Mohamed Touati, Saïd Chengriha (l’actuel chef de l’armée) et Abdelkader Mejahed, ont activement contribué à la montée du terrorisme. 

Pour la première fois, des documents ultra-sensibles relatent les circonstances mystérieuses de la mort du général Gaid Saleh, l’ex-chef d’état-major de l’armée, et révèlent comment le général Chengriha a réussi à écarter son prédécesseur sans état d’âme. 

Selon l’ouvrage, pour mener à bien son coup, Chengriha aurait fait appel à deux figures emblématiques du régime : les généraux Khaled Nezzar et Mohamed Toufik. Tous deux, longtemps responsables de la répression au sein de l’armée, auraient été réhabilités pour participer à ce coup d’État silencieux.

Ces livres ne se contentent pas de critiquer la gestion de la guerre civile algérienne, ils réveillent également de vieux fantômes et pourraient avoir des répercussions sur les équilibres du pouvoir en Algérie. La réaction des autorités algériennes face à cette publication en dira long sur la fragilité du régime face à la vérité historique.