Soudan : Les paramilitaires instaurent un gouvernement parallèle, la partition redoutée du pays se précise

Deux ans jour pour jour après le déclenchement d’une guerre civile meurtrière, le chef des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamdane Daglo, a annoncé mardi la création d’un gouvernement parallèle au Soudan, exacerbant davantage les divisions dans un pays déjà ravagé par les combats, la famine et les déplacements massifs.

Dans un message publié sur son compte Telegram, le général Daglo a présenté ce nouveau gouvernement comme un « gouvernement de paix et d’unité », allant jusqu’à annoncer la mise en place d’une nouvelle monnaie et d’une nouvelle carte d’identité nationale. « Ce gouvernement représente le véritable visage du Soudan », a-t-il déclaré.

Un conflit qui s’enlise :

Le 15 avril 2023, la guerre éclatait entre l’armée soudanaise dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les FSR de Daglo, son ancien adjoint. Depuis, le pays s’est enfoncé dans un conflit aux conséquences dramatiques avec des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et une famine généralisée.

Récemment, l’armée a repris le contrôle de Khartoum, la capitale, d’où elle avait été chassée au début des hostilités. Pour de nombreux habitants, cette reprise marque une « libération » après près de deux ans sous la coupe des FSR, accusées de violations graves des droits humains, y compris de génocide, de pillages et de violences sexuelles.

Le Darfour au cœur des combats : 

Après la perte de la capitale, les FSR concentrent leurs offensives dans la région du Darfour, à l’ouest du pays. Dimanche, elles ont annoncé avoir pris le camp de Zamzam, près de El-Facher, une zone où vivaient plus de 500.000 déplacés. Selon l’ONU, l’assaut a fait plus de 400 morts et provoqué la fuite de 400.000 personnes.

L’armée de Burhane contrôle aujourd’hui le nord et l’est du pays, tandis que les FSR dominent le sud et l’ouest. Une partition de facto qui inquiète la communauté internationale.

Appels à un cessez-le-feu et à l’unité du pays : 

Réunis à Londres mardi, les représentants d’une quinzaine de pays, dont les États-Unis et l’Arabie saoudite, ainsi que plusieurs organisations internationales, ont lancé un appel pressant à un cessez-le-feu immédiat et permanent. Ils ont également souligné la nécessité d’empêcher toute division du pays.

Le même message a été relayé par les pays du G7, qui ont appelé à l’arrêt de toute aide extérieure alimentant le conflit. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a de son côté dénoncé les flux d’armes provenant de l’étranger et plaidé pour la fin du soutien extérieur aux belligérants.

L’armée soudanaise accuse depuis plusieurs mois les Émirats arabes unis d’approvisionner les FSR en armement, une accusation que démentent aussi bien Abou Dhabi que les paramilitaires.

Une catastrophe humanitaire sans précédent : 

À Londres, les donateurs internationaux se sont engagés à mobiliser plus de 800 millions d’euros pour répondre à la crise humanitaire qui frappe le pays. Le chef de la diplomatie britannique, David Lammy, a dénoncé le silence de la communauté internationale.  

Le Haut-commissaire de l’ONU aux réfugiés, Filippo Grandi, a averti que l’inaction aurait des conséquences catastrophiques.

Selon l’ONU, près de 25 millions de Soudanais sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë, dont huit millions au bord de la famine. Le système de santé est en ruine, rendant impossible tout bilan précis. Des estimations non officielles évoquent jusqu’à 150.000 morts depuis le début du conflit.