Tunisie : Human Rights Watch dénonce un recours systématique à la détention arbitraire sous la présidence de Kaïs Saïed

La Tunisie a fait de la détention arbitraire un outil central de sa répression politique, dénonce l’organisation Human Rights Watch (HRW) dans un rapport accablant publié mercredi. L’ONG accuse le président Kaïs Saïed d’avoir instauré un climat de peur et de répression depuis sa prise de pouvoir en juillet 2021.

Intitulé « Tous des comploteurs : comment la Tunisie se sert de la détention arbitraire pour écraser la dissidence », le rapport documente les cas de 22 personnes incarcérées sur la base d’accusations infondées, parfois liées au terrorisme, pour leurs prises de position publiques ou leur engagement politique. 

« Les autorités tunisiennes ne s’étaient pas livrées à une telle répression depuis la Révolution de 2011 », affirme Bassam Khawaja, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord chez HRW. Selon lui, Kaïs Saïed a fait replonger la Tunisie dans une ère de prisonniers politiques, réduisant à néant les acquis démocratiques durement obtenus.

Depuis l’été 2021, date à laquelle le président a limogé son Premier ministre, suspendu le Parlement puis concentré tous les pouvoirs entre ses mains via une réforme constitutionnelle, la répression s’est intensifiée.

HRW indique qu’en janvier 2025, plus de 50 personnes étaient encore détenues pour des motifs politiques ou pour avoir simplement exercé leurs droits fondamentaux. Parmi elles, 14 risquent la peine de mort, même si un moratoire est toujours en vigueur.

La liste des personnes visées par cette vague d’arrestations est large : opposants politiques, dont Rached Ghannouchi, chef du parti islamo-conservateur Ennahdha, ou Abir Moussi, figure de la droite nostalgique des régimes Bourguiba et Ben Ali, mais aussi avocats, journalistes, militants des droits des migrants, et même influenceurs.

Le président Saïed encourage directement les forces de sécurité et le système judiciaire à cibler la dissidence, note HRW dans son rapport.

Cette publication intervient alors qu’un procès de grande ampleur est en cours en Tunisie. Près de 40 personnalités politiques et hommes d’affaires sont poursuivis pour complot contre la sûreté de l’État, une affaire lancée début 2023. À l’époque, le président Saïed avait qualifié ces personnes de terroristes, bien avant toute décision judiciaire.

La Tunisie, autrefois saluée comme un exemple démocratique, semble aujourd’hui basculer dans une nouvelle phase autoritaire, nourrie par une concentration extrême du pouvoir exécutif et une judiciarisation systématique de la dissidence.