Tunisie : Retrait de la Cour Africaine des Droits de l’Homme, un revers dramatique pour les libertés et la justice

Sous la présidence de Kaïs Saïed, la Tunisie a décidé, le 3 mars dernier, de se retirer de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), une décision qui a provoqué l’indignation de nombreuses organisations de défense des droits humains à travers le monde.

Cette décision, qualifiée par plusieurs ONG de « reniement ignoble », vient assombrir un peu plus le tableau des libertés publiques et de la justice en Tunisie, en particulier depuis le coup de force de Saïed en 2021.

En 2017, la Tunisie s’était engagée à permettre à ses citoyens et à ses ONG de saisir cette cour pour obtenir justice en cas de violations des droits de l’homme.

Le retrait de cette reconnaissance prive désormais les Tunisiens de la possibilité de recourir à cette instance judiciaire en cas de violation de leurs droits par l’État.

Selon le ministre des Affaires étrangères tunisien, Mohamed Ali Nafti, cette décision intervient dans le cadre d’un changement de politique, mais elle témoigne avant tout de l’escalade répressive du régime de Kaïs Saïed depuis son coup d’État de juillet 2021.

Depuis cette prise de pouvoir, la Tunisie a connu une série d’arrestations arbitraires et de persécutions contre des opposants politiques, des journalistes et des figures de l’opposition.

Des accusations de « complot contre la sûreté de l’État » sont régulièrement utilisées pour écarter toute voix critique du gouvernement.

Ces arrestations ont suscité l’indignation de la communauté internationale, qui accuse le président Saïed de mener une répression systématique contre les libertés fondamentales.

En mai 2023, les familles de plusieurs opposants, dont le leader islamo-conservateur Rached Ghannouchi, avaient saisi la CADHP pour exiger la libération immédiate des détenus politiques.

La Cour avait alors dénoncé les conditions de détention des prisonniers et demandé à la Tunisie de lever les barrières empêchant l’accès à leurs avocats et médecins.

Toutefois, ce retrait de la CADHP semble être une réponse directe à ces pressions internationales et un moyen pour le régime de Saïed d’échapper à toute forme de justice indépendante.

Cette décision a été vivement critiquée par le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), qui a dénoncé un « engagement historique réduit à néant ». Selon l’ONG, ce retrait constitue une « échappatoire » pour un régime qui peine à justifier ses actions répressives et qui cherche à éviter toute forme de surveillance internationale.

La Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) a, quant à elle, qualifié ce retrait de « dangereux recul », soulignant qu’il s’agissait d’une tentative de se soustraire à l’autorité de « structures judiciaires indépendantes » capables de lutter contre l’impunité et de garantir la justice.

La situation des libertés publiques dans le pays est d’autant plus préoccupante avec la montée de la répression des journalistes et des opposants politiques, et les restrictions de plus en plus strictes imposées aux citoyens.

Le retrait de la Tunisie de la CADHP est donc bien plus qu’un simple changement de politique extérieure.

Il marque une nouvelle étape dans la régression des droits humains en Tunisie, où les libertés fondamentales, les principes de justice et la protection des droits des citoyens sont de plus en plus bafoués par un régime autoritaire. Ce reniement des engagements internationaux de la Tunisie démontre, une fois de plus, la dérive autocratique du président Kaïs Saïed, qui semble prêt à tout pour écraser la dissidence et éviter toute forme de responsabilité pour ses actions.