Dans les régions septentrionales du Bénin, durement touchées par l’insécurité, l’armée ne se contente plus de repousser les groupes jihadistes par les armes. Elle mise désormais sur une autre stratégie : le développement social, pour regagner la confiance des populations et freiner l’expansion des groupes armés.
Depuis le lancement de l’opération Mirador en 2022, près de 3.000 militaires ont été déployés dans le nord du Bénin, une région en proie à des incursions jihadistes venues du Burkina Faso et du Niger voisins. Mais cette opération, à dominante défensive, ne se limite pas aux patrouilles armées : elle intègre aussi un volet civil, avec une cellule d’actions civilo-militaires chargée de mener des projets de développement au cœur des villages les plus exposés.
« Ces projets traduisent une volonté manifeste de restaurer la confiance entre les forces de défense et les communautés », explique le médecin-lieutenant Mardochée Avlessi, qui coordonne les actions civilo-militaires dans la région. Objectif : créer un lien de proximité avec les habitants, longtemps négligés par les services publics, et empêcher qu’ils ne basculent dans l’orbite jihadiste.
Dans cette région enclavée et marginalisée, les groupes armés ne recrutent pas uniquement avec des discours idéologiques. Ils exploitent la pauvreté, la frustration et le vide laissé par l’Etat. Selon un rapport de l’ONU publié en mai, « les motivations économiques sont plus répandues que les raisons idéologiques », et des groupes affiliés à Al-Qaïda n’hésitent pas à proposer argent, sécurité ou approvisionnement en échange de soutien local.
Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), proche d’Al-Qaïda, est aujourd’hui la principale force jihadiste active dans le nord du Bénin. Profitant de la porosité des frontières avec le Burkina Faso et le Niger, il tente de s’y implanter durablement.
En avril, le chef d’état-major général de l’armée béninoise, le général Fructueux Gbaguidi, a reconnu : « Nous avons malheureusement constaté que beaucoup de jeunes de la communauté se retrouvent dans les groupes qui nous attaquent. »
Le pays a connu sa première attaque jihadiste en 2021. Trois ans plus tard, le bilan s’est alourdi : 173 morts ont été recensés en 2024, selon les Nations unies. Et la situation ne cesse de se compliquer.
La coopération militaire avec le Niger et le Burkina Faso est aujourd’hui suspendue, à la suite de crises diplomatiques. Les accords qui permettaient la poursuite des groupes armés de part et d’autre des frontières ne sont plus en vigueur, et certaines zones, notamment à la frontière burkinabè, sont désormais hors du contrôle de l’Etat.
Face à cette impasse, le gouvernement béninois peut toutefois compter sur l’appui de partenaires internationaux. Dans l’Atacora et la Donga, l’ONG française Acting for Life forme des jeunes aux métiers de la construction, avec l’objectif de renforcer leur insertion professionnelle et de prévenir les dérives.
Mais ces efforts, bien que salués, restent jugés insuffisants par plusieurs observateurs. Tant que la coordination régionale reste défaillante, les groupes jihadistes continueront d’exploiter les failles.
Un rapport de l’ONU publié en février avertit : le GSIM chercherait à progresser vers le Nigeria depuis le Bénin et à s’allier au groupe jihadiste nigérian Ansaru, issu d’une scission de Boko Haram.
