Les récentes défaites de l’armée somalienne face aux jihadistes shebab sapent l’espoir des partenaires internationaux qui ont investi des milliards dans la lutte contre l’insurrection. Les shebab, affiliés à Al-Qaïda, ont récemment repris la ville de Moqokori, à 300 km de Mogadiscio, consolidant leur présence dans la région stratégique de Hiiraan.
Cette victoire symbolique a affaibli les milices claniques « Macwiisley », jadis soutien crucial du gouvernement. Après avoir aidé à reprendre environ 200 localités en 2022-2023, ces milices ont perdu près de 90 % du terrain reconquis, selon Rashid Abdi (Sahan Research). Des villes comme Adan Yabal et Masjid Cali Gaduud sont tombées, et trois ponts vitaux ont été détruits.
Le gouvernement de Hassan Sheikh Mohamud est critiqué pour avoir politisé la coopération avec les clans, provoquant une désorganisation des forces locales. « Les dirigeants ne sont plus impliqués », déplore Mohamed Hassan, membre d’une milice dans la région de Hiiraan.
L’armée somalienne reste fragile. Son unité d’élite, Danab, formée par les Etats-Unis, excelle dans les raids mais peine à tenir le terrain, et a subi de lourdes pertes. « Nous voyons une armée dysfonctionnelle, sans volonté de se battre », constate M. Abdi.
Le contexte politique aggrave la crise : le pays reste divisé par des rivalités claniques, et les autorités préparent une première élection au suffrage universel pour 2026, mais sa tenue semble incertaine. Même à Mogadiscio, la sécurité reste précaire, et les shebab y mènent régulièrement des attaques.
Alors que le groupe contrôle une part importante de l’économie et impose des taxes plus efficaces que l’Etat, les bailleurs de fonds perdent patience. Depuis 2007, l’UE et les Etats-Unis ont investi plus de 7 milliards de dollars. Mais le retrait de l’ancienne mission de l’Union africaine en décembre a dû être comblé en urgence par une nouvelle (AUSSOM), faute de relève locale.
Des partenaires comme la Turquie, le Qatar ou les Emirats ont renforcé leur présence, mais privilégient leurs propres intérêts. Selon M. Abdi, la situation est désormais « très préoccupante » .
