Tunisie : Le Président Kaïs Saïed enseigne les règles de la diplomatie, à sa façon

Le président tunisien Kaïs Saïed semble avoir décidé de donner une nouvelle leçon de diplomatie, une leçon qu’il applique avec une rigueur toute personnelle. 

Mardi, il a convoqué l’ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, Giuseppe Perrone, pour lui exprimer une « protestation ferme » à propos d’un prétendu « non-respect des règles diplomatiques ». Ce qui semble être une simple rencontre diplomatique entre l’ambassadeur et le syndicat UGTT s’est en réalité transformé en un nouveau chapitre dans le manuel très sélectif de M. Saïed sur le « savoir-vivre international ».

Le communiqué officiel, sobre et sans trop de détails, précise que le président Saïed a fermement rejeté toute « pratique en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques ». 

Ce qui, en d’autres termes, pourrait signifier que la rencontre entre M. Perrone et Noureddine Taboubi, le secrétaire général de l’UGTT, aurait eu lieu… en dehors des horaires habituels, ou pire, dans un contexte qui n’aurait pas respecté les codes les plus stricts du protocole tunisien.

L’ambassadeur a eu l’audace de saluer « le rôle important » de l’UGTT dans le maintien du dialogue social et du développement économique, mais pour Kaïs Saïed, il semble que l’UE ait franchi une ligne invisible en osant encourager un dialogue social qui n’aurait pas été entièrement contrôlé par ses propres bons soins.

Le hic, bien sûr, c’est que l’UGTT, cette organisation qui a co-reçu le prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la démocratisation post-révolution, est l’un des acteurs clés du pays. Mais Kaïs Saïed préfère probablement les dialogues qui se déroulent dans des salons feutrés où chaque mot et chaque geste sont sous contrôle, et où les syndicats restent… plus discrets, peut-être même moins influents.

Bien que la rencontre n’ait pas déclenché une crise diplomatique totale, il n’est pas difficile d’imaginer que cette protestation a des relents de tension. Car dans un pays où l’inflation grimpe en flèche et où le salaire minimum est d’environ 150 euros par mois, le « non-respect des règles diplomatiques » devient, selon Saïed, une priorité à résoudre. On peut comprendre qu’en cette période de grèves et de mécontentement social, ce sont plutôt les demandes des travailleurs pour un meilleur pouvoir d’achat qui auraient dû monopoliser l’attention du gouvernement.

Mais n’ayons crainte. Au fond, si quelqu’un peut réussir à maintenir une parfaite rigueur diplomatique tout en ignorant les réalités sociales internes, c’est bien Kaïs Saïed, le champion de la « diplomatie tunisienne nouvelle », où les règles sont flexibles, mais l’orgueil national… incassable.