Les condamnations à mort collectives sont marquées par des procès iniques et des allégations de torture, selon Amnesty International.
Amnesty International a appelé lundi les autorités algériennes à annuler les peines de mort prononcées en novembre par un tribunal d’Alger contre plus de 50 suspects pour le lynchage d’un homme accusé à tort de pyromanie en Kabylie.
A l’issue d’un procès qui s’est tenu entre le 15 et le 24 novembre, 49 accusés ont été condamnés à mort après avoir été reconnus coupables du lynchage de Djamel Bensmaïl, un artiste qui s’était porté volontaire dans un village de la préfecture de Tizi Ouzou (nord-est) pour aider à éteindre les feux de forêt qui avaient fait 90 morts en moins d’une semaine en août 2021.
Selon Amnesty, la peine capitale a également été infligée à cinq autres suspects, dont une femme, jugés par contumace.
Les procès des suspects « sont entachés de violations des garanties d’un procès équitable et d’allégations de torture », a affirmé Amnesty dans un communiqué.
Les autorités algériennes avaient accusé le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classée comme organisation « terroriste » par Alger, d’être responsable des incendies et de la mort ignominieuse du jeune homme.
Par ailleurs, seize personnes ont été arrêtées dans le cadre d’un présumé « réseau criminel visant à attenter aux institutions », selon la Direction générale de la sureté de l’État.
Ces personnes collaboreraient, selon les autorités, avec le site internet « Algérie Part » dirigé par le journaliste Abdou Semmar, exilé en France, depuis 2019.
Abdou Semmar, journaliste et défenseur des droits humains, avait diffusé plusieurs rapports sur les abus et la corruption en Algérie. Il avait fini par quitter le pays. Les seize détenus sont accusés d’avoir publié « des fake news » et d’avoir divulgué « des rapports administratifs à la solde d’agendas étrangers ».
Ce journaliste, exilé en France, a été condamné, en octobre 2020, à la peine capitale dans son pays. Selon le dossier juridique, il est accusé d’avoir diffusé des informations « secrètes et stratégiques », sur Sonatrach, la société nationale d’hydrocarbure.
Dans le même sillage, le journaliste Ishane El Kadi a été placé en détention provisoire, au soir du jeudi 29 décembre. Arrêté une semaine auparavant, le fondateur de Radio M est visé par une enquête pour collecte illégale de fonds et atteinte présumée à la sûreté de l’État. Cette nouvelle arrestation s’ajoute à la fermeture de médias et aux condamnations d’autres journalistes algériens, ces derniers mois.
Reporters sans frontières appelle également à la « libération immédiate et inconditionnelle » du journaliste Ihsane El Kadi.
Selon un spécialiste des médias algériens, 2022 a été une année noire pour le journalisme du pays. Cette situation dure, en réalité, depuis le printemps 2020, avec le Hirak et n’est pas près de s’arranger.
En avril dernier, le quotidien Liberté a cessé de paraître. Son principal actionnaire, Issad Rebrab, a décidé de liquider le média pour se mettre dans de meilleures relations avec les autorités et ainsi protéger ses intérêts. Après avoir résisté aux pressions, pendant trente ans, le journal a donc mis la clé sous la porte.
Le pouvoir algérien renforce davantage sa mainmise sur l’information en s’attaquant directement aux médias libres.
Depuis avril 2021, les autorités algériennes ont amplement invoqué l’article 87 bis du Code pénal afin d’engager des poursuites contre des militants et militantes, des défenseurs et défenseuses des droits humains ainsi que des journalistes pour des «crimes» liés au « terrorisme».