Au lendemain de l’enlèvement de trois humanitaires européens dans le camp de Rabouni à Tindouf, le Polisario et l’Algérie ont été prompts à accuser Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), réfutant toute implication dans ce rapt, malgré les accusation portées notamment par le Maroc, adversaire traditionnel du Polisario. Deux mois plus tard, l’arrestation de deux suspects sahraouis, ce lundi 5 décembre à Nouadhibou au nord-ouest de la Mauritanie, vient confirmer la thèse selon laquelle l’enlèvement le 23 octobre dernier des deux ressortissants espagnols et d’une Italienne serait bel et bien l’œuvre de sahraouis actifs au sein du Polisario. En effet, suite à une dépêche de l’agence française AFP, et selon des sources sécuritaires actives dans la région, auxquelles « Sahel Intelligence » a pu avoir accès, les deux présumés ravisseurs sahraouis seraient les dénommés Maminna Alaaguir Ahmed Baba et Aghdafna Ould Hamoudy Ould Ahmed Baba, âgés respectivement de 29 et 32 ans. Selon des sources sécuritaires, Mammina -qui a étudié en Algérie et en Libye-a été appréhendé avec son acolyte dans une chambre d’hôtel au centre-ville de Nouadhibou qu’ils occupaient depuis une dizaine de jours.
Autre élément capital qui vient confirmer l’implication du Polisario dans le rapt, Aghdafna Ould Hamoudy Ould Ahmed Baba ne serait autre autre que le fils du représentant du Polisario à Cantabria en Espagne, Hammoudy Ould Ahmed Babab Ould Sheikh Buhali, lui même fils d’un notable de la tribu des Ouled Dlim. Selon de hauts responsables du Polisario en dissidence du leadership actuel contactés ce matin, trois autres arrestations auraient eu lieu ce mardi matin au sein des camps de Tindouf. Parmi les sahraouis appréhendés, le responsable du protocole de la « maison internationale » au sein de laquelle se trouvaient les travailleurs humanitaires lors de leur rapt. Peu après le rapt, le services de renseignement algérien, le DRS, inquiet de cette dérive potentielle du Polisario, avait diligenté une enquête qui a permis de démonter en partie l’écheveau complexe qui se dessinait au sein des camps indépendantistes. Selon plusieurs sources, après avoir réussi leur enlèvement dans le camp de Rabouni où se trouve le quartier général du Polisario, les deux ravisseurs avaient fui à bord d’un véhicule tout terrain avec les trois otages à bord. Ils ont pris la direction d’une petite localité située près de la frontière entre le sud algérien et le nord du Mali. Une fois sur place et après de longues tractations avec le chef d’une katiba d’Al Qaïda au Maghreb Islamique, les deux ravisseurs ont livré leurs otages aux djihadistes contre une forte somme. Ils sont ensuite entrés illicitement en territoire mauritanien pour se rendre dans une première étape à Nouadhibou avant de se rendre ensuite aux Iles Canaries. C’est à ce moment là qu’ils auraient été repérés puis pris en filature par des agents des services de renseignements français, la DGSE, dépêchés en Mauritanie pour enquêter avec leurs homologues mauritaniens. Pour approfondir leur enquête, les agents de la célèbre « maison » sise boulevard Mortier à Paris souhaitaient se rendre dans les camps de Tindouf, mais les autorités algériennes leur ont sèchement refusé l’autorisation d’opérer en territoire algérien. Les limiers du « service » français espéraient que leurs investigations dans les camps de Tindouf pourraient les mettre sur la piste des ravisseurs des deux espagnols et de l’italienne, mais aussi sur le chemin des cinq ressortissants français retenus en otages par AQMI. La visite éclair que vient d’effectuer ce dimanche à Alger, le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, en compagnie du patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, ne serait d’ailleurs pas étrangère au refus des autorités d’Alger de coopérer avec les services de sécurité français en matière de lutte anti-terroriste surtout dans les pays du Sahel où la France a des intérêts économiques ou stratégiques. Les patrons du renseignement français seraient en effet convaincus que leurs homologues algériens du Département de Renseignement et de Sécurité (DRS- service de renseignement militaire) ne partagent pas toutes les informations dont ils disposent sur AQMI, dont la plupart des émirs sont algériens. Selon d’autres sources fiables, le DRS aurait choisi de jouer la montre, menant en parallèle une négociation avec des intermédiaires proches d’AQMI afin d’obtenir la libération des trois otages capturés à Tindouf. Le montant de la rançon demandée par la franchise d’Al Quaïda serait de plusieurs millions de Dollars.