Haschisch, cigarettes, médicaments de contrefaçon, et surtout cocaïne, le Sahel s’est érigé au fil de ces dernières années comme l’une des principales zones de transit pour toutes sortes de trafic. Or cette situation pourrait être perturbée par la crise qui prévaut actuellement au Mali. Deux députés français, François Loncle et Henri Plagnol, ont présenté en mars dernier devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française un rapport sur le Sahel.
Passé quasiment inaperçu, le rapport ressurgit désormais à la faveur des évènements maliens et de la résurgence de la menace islamiste dans la région. En effet, les deux députés constatent que le trafic de drogue dans le Sahel doit son essor à deux éléments clés. Tout d’abord la proximité avec l’Europe, qui reste le premier marché de consommation mondiale. Ensuite le fait que le Sahel se révèle plus sûr pour les trafiquants de drogue que les routes directes entre les zones de production d’Amérique Latine et le continent européen, ce qui explique, selon les élus français, que 50 tonnes de cocaïne transitent chaque année par l’Afrique de l’Ouest en direction du marché européen. Or, la sûreté de cet itinéraire était en quelque sorte renforcée par l’incapacité de l’Etat malien à sécuriser son flanc nord, et la faiblesse de l’implication de l’armée algérienne au sud de ses frontières. En fait, en ne luttant pas assez efficacement contre AQMI, le Mali a laissé une grande liberté d’action au groupe terroriste qui a endossé un rôle de protecteur des routes du trafic contre une sorte d’impôt révolutionnaire. Ce commerce profiterait même à des cadres du pouvoir malien comme le suggère un télégramme envoyé le 25 octobre 2009 par les services algériens à l’ambassade des Etats-Unis à Bamako et révélé par « WikiLeaks ». Cette missive affirmait que plusieurs familles riches et puissantes du Mali profiteraient de nombreuses largesses de la part des trafiquants. L’implication du sommet de la hiérarchie militaire malienne dans le trafic de drogue aurait également joué un rôle important dans la mutinerie de mars dernier. La partition du Mali en début avril avec l’occupation de sa partie septentrionale par une coalition hétéroclite composée de rebelles touaregs et de milices islamiste change la donne. L’évolution chaotique de la région impacte la certitude des trafiquants de voir leur marchandise arriver à bon port. Or pour les trafiquants de drogue, le plus important est de maîtriser le pourcentage de marchandise « perdue » du fait de l’action des autorités ou des dangers rencontrés. Si ce pourcentage s’accroissait de manière substantielle, ils font souvent le choix de changer de route, quitte à payer plus cher le passeurs ou les autorités. Selon plusieurs services de renseignements occidentaux actifs dans la région, l’on pourrait de toute évidence assister à une baisse du trafic de drogue empruntant certaines routes sahéliennes du fait de la conjonction de deux facteurs principaux. D’une part, la situation malienne que l’on vient d‘évoquer, mais également les dissensions entres factions islamistes rivales et bandes de trafiquants sahéliens. Une situation que les cartels latino américains, toujours prompts à innover et à trouver de nouvelles routes ne devraient pas manquer de suivre avec le plus grand intérêt.