Quarante-huit heures après le séisme médiatique créé par l’annonce de la création d’un Etat islamique dans le Nord du Mali grâce à une fusion du groupe islamiste « Ansar Dine » et du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad), les deux mouvements font état de désaccords qui bloqueraient la concrétisation du projet. Les rebelles touaregs du MNLA et les islamistes d’ « Ansar Dine » avaient en effet signé samedi un accord qui devait réunir leurs deux mouvements en une seule instance intitulée le « Conseil transitoire de l’Etat de l’Azawad ».
Avec cet Etat indépendant, les touaregs obtenaient gain de cause mais au prix de la laïcité de leur mouvement. Cependant, selon plusieurs informations fiables parvenues à « Sahel Intelligence », certains éléments qui auraient pu relever de l’ordre du détail ont apparemment bloqué toute la journée d’hier la ratification du communiqué final. Ainsi, selon Ibrahim Assaley, un député du Nord Mali et membre du MNLA, les islamistes d’Ansar Dine se seraient montrés intransigeants sur l’application rigoureuse de la Charia et sur l’application d’une interdiction stricte du Nord du Mali aux organisations humanitaires non musulmanes, des positions que ne partage pas le MNLA. Ces dissensions retardent le projet des groupes rebelles du nord Mali de créer un Etat indépendant et islamiste dans le Nord mais traduisent également le renforcement potentiel des positions des groupes armés dans la région. Ces derniers, pour la première fois de leur histoire, ont en effet pu avoir accès à des armes lourdes, suite aux prises faites à l’armée malienne. Habituées au maniement de armes légères, et depuis peu à l’utilisation de missiles sol-air rapportés de Libye (notamment des SAM) , les groupes actifs dans la région ont désormais accès à du matériel lourd, voire à des chars, ce qui leur permet d’effectuer non seulement un saut « qualitatif »militaire appréciable, mais également de faire monter en puissance leur logistique et leurs systèmes d’approvisionnement, éléments cruciaux dans le Sahel, car les distances sont importantes. Ainsi, hormis le MNLA et Ansar Dine, AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) persévèrerait dans le renforcement des ses liens à Ansar Dine. Quant au MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest), qui se présentait jusqu’alors comme une dissidence d’AQMI mais dont la genèse reste empreinte de mystère, il poursuit ses opérations sans le moindre différend avec les autres mouvements armés, mais conserve son autonomie malgré le fait qu’ils poursuivent les mêmes objectifs. Gage du renforcement de liens de ces différents groupes, une information relayée par l’AFP circule depuis hier faisant état d’une rencontre au sommet entre les différents chefs des trois mouvements ( ) à Tombouctou, incluant les chefs « mythiques » d’AQMI, les algériens Abou Zaid, Mokhtar Belmokhtar, et le coordinateur Nabil Makhloufi . Côté Ansa Dine, le chef charismatique, Iyad Ag Ghaly, ancien vice consul du Mali en Arabie Saoudite, aurait également participé à cette réunion. Le gouvernement malien pour l’heure ne semble pas en mesure de renverser la vapeur. Le pouvoir politique central est fortement affaibli par les désaccords qui ont longtemps opposé les pays de la CEDEAO (Communauté Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest) et l’ex-junte au pouvoir sur la direction de la transition dans le pays.