Plus les jours passent et plus l’attitude algérienne dans la crise malienne suscite des interrogations. Selon Mathieu Guidère, un spécialiste de l’islam radical au Maghreb, c’est la préservation de sa propre stabilité qui explique son attitude. Cette préoccupation est accrue par le souvenir du terrorisme djihadiste que l’Algérie a vécu dans les années 1990.
Ceci, d’autant plus qu’une intervention militaire dans la région aurait forcément comme conséquence un repli des groupes armés, principalement AQMI et le MUJAO, vers la frontière algérienne. Ce contre quoi les autorités algériennes luttent de toutes leurs forces.
D’un autre côté, l’Algérie qui s’est tellement impliquée dans les précédentes rebellions touarègues, se fait cette fois-ci étonnamment discrète. Alger ne peut pas soutenir le MNLA, car la création d’un État touareg pourrait donner des idées aux touaregs d’Algérie, malgré les bonnes relations que ceux-ci entretiennent avec le pouvoir à Alger. Il n’est pas non plus question pour Alger d’apporter un soutien à des terroristes reconnus comme les hommes d’AQMI et du MUJAO. Dans ce dilemme, Ansar Dine, qui est le groupe le plus important dans la région avec un effectif de quelque 10 000 hommes, pourrait présenter une alternative intéressante pour les généraux algériens. Bien qu’il s’agisse d’islamistes extrémistes, l’Algérie pourrait miser sur un scénario semblable à celui de la Libye où les islamistes, dont une bonne partie sont d’anciens djihadistes, ont pris le pouvoir, avant de se « normaliser » une fois intégrés au jeu politique et confrontés aux réalités de la gestion du pays. Ansar Dine pourrait dans ce scénario instaurer un ordre relatif au Mali comme il l’a fait en demandant à AQMI d’arrêter les enlèvements sur le territoire qu’il contrôle et en obtenant du MUJAO la libération de touristes occidentaux.
Mais au lieu du scénario libyen, c’est le scénario afghan qui pourrait très bien se reproduire. Ansar Dine pourrait soutenir AQMI comme les Talibans avaient soutenu Al-Qaïda en Afghanistan entre 1996 et 2001.