La ville d’El-Facher, dernier bastion de l’armée régulière dans la région du Darfour, a été la cible dimanche d’intenses tirs d’artillerie, faisant plus de 30 morts et des dizaines de blessés, selon un comité de résistance local. Les tirs, attribués aux Forces de soutien rapide (FSR), ont visé plusieurs quartiers résidentiels, aggravant une situation humanitaire déjà catastrophique.
La ville est assiégée depuis près d’un an par les paramilitaires dirigés par le général Mohamed Hamdane Daglo, en guerre ouverte contre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane depuis avril 2023. Après la prise de Khartoum en mars, El-Facher est devenue l’épicentre d’une lutte acharnée pour le contrôle du Darfour. L’objectif des FSR : prendre la dernière capitale provinciale encore sous autorité gouvernementale.
Dans un message publié sur X, Tom Fletcher, chef des affaires humanitaires de l’ONU, a alerté sur la gravité de la situation :
« Des informations terrifiantes nous parviennent d’El-Facher et de Zamzam : meurtres, violences sexuelles, déplacements massifs, besoins immenses ».
Il a précisé avoir échangé avec les deux commandants en chef, al-Burhane et Abdelrahim Dagalo, qui lui auraient promis un accès humanitaire total pour l’acheminement de l’aide aux civils.
Mais sur le terrain, les violences se poursuivent. Le 13 avril, les FSR ont revendiqué la prise du camp de Zamzam, situé à proximité d’El-Facher, où plus de 500 000 déplacés vivaient dans des conditions précaires. L’assaut aurait fait plus de 400 morts, selon les Nations unies. Unicef alerte : plus de 825 000 enfants seraient actuellement piégés dans cette zone de combat, qualifiée d’« enfer ».
Depuis le début de la guerre, le 15 avril 2023, le Soudan est plongé dans une spirale de violences : des dizaines de milliers de morts, 13 millions de déplacés et une insécurité alimentaire massive. D’après les estimations de l’ONU, près de 25 millions de Soudanais sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë, dont huit millions au bord de la famine.
Les deux camps ont été accusés de cibler les civils, de bombarder aveuglément des zones habitées et de bloquer l’acheminement de l’aide humanitaire. La destruction du système de santé rend impossible un comptage précis des victimes, mais Tom Perriello, alors émissaire de l’ONU au Soudan, évoquait en 2024 un bilan potentiel de 150 000 morts.
Des organisations internationales, dont Amnesty International et les Nations unies, accusent les FSR d’utiliser la violence sexuelle comme arme de guerre : viols, esclavage sexuel, mariages forcés. Des accusations que les paramilitaires rejettent.
Le Soudan est désormais un pays morcelé. Le général Abdel Fattah al-Burhane contrôle le nord et l’est, tandis que les FSR du général Mohamed Hamdan Dagalo dominent le sud et l’ouest. Dans cette guerre de position, El-Facher est devenue le dernier verrou stratégique au Darfour, une ville symbole que les deux camps veulent à tout prix contrôler.
Face à l’ampleur de la crise, les appels à la paix se multiplient, mais sur le terrain, les armes continuent de parler. Et chaque jour qui passe rend plus incertain l’avenir du Soudan.