L’annonce faite jeudi par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed concernant l’achèvement du Grand barrage de la Renaissance (GERD) a ravivé les tensions régionales. Présenté comme un symbole de développement pour l’Ethiopie, ce mégaprojet hydraulique suscite depuis plus d’une décennie les inquiétudes de ses voisins en aval, l’Égypte et le Soudan.
Décrit comme le plus vaste ouvrage hydroélectrique du continent africain, le GERD s’étend sur près de deux kilomètres de largeur et atteint 145 mètres de hauteur. Lancé en 2011 pour un coût estimé à quatre milliards de dollars, il incarne l’ambition d’Addis-Abeba d’assurer son indépendance énergétique et de répondre aux besoins croissants de sa population.
Mais au Caire, cette avancée est loin d’être saluée. Le ministre égyptien des Ressources hydriques, Hani Sewilam, a vivement dénoncé ce qu’il qualifie de « mesures unilatérales » de la part de l’Éthiopie. Lors d’un échange avec des diplomates étrangers, il a affirmé que son pays rejetait catégoriquement toute tentative de développement « au détriment des droits des États en aval ».
Selon Le Caire, les décisions d’Addis-Abeba relèvent d’une politique du fait accompli, ignorant les efforts diplomatiques engagés depuis des années pour parvenir à un accord tripartite entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie sur le remplissage et la gestion du barrage. « Au lieu de négocier sincèrement, l’Éthiopie choisit la fuite en avant », a accusé le ministre.
De son côté, le Premier ministre éthiopien a tenté de rassurer : « A nos voisins en aval, l’Egypte et le Soudan, notre message est clair : le barrage de la Renaissance ne constitue pas une menace, mais une opportunité partagée ».
Un discours qui peine à convaincre. Cette semaine encore, les présidents égyptiens Abdel Fattah al-Sissi et soudanais Abdel Fattah al-Burhane ont réaffirmé leur rejet de toute décision unilatérale affectant le cours du Nil. Les deux pays exigent qu’aucune nouvelle opération de remplissage ne soit entreprise sans un accord préalable.
Pour l’Egypte, le fleuve est une question vitale. Le Nil fournit environ 97% de ses besoins en eau douce, essentiels à l’agriculture, à la consommation et à l’industrie. La crainte d’une réduction significative du débit fluvial alimente les tensions géopolitiques depuis le début du chantier.
Alors que l’inauguration officielle du GERD est prévue en septembre, les négociations semblent dans l’impasse. L’Egypte et le Soudan plaident pour une relance des pourparlers sous médiation internationale, tandis que l’Ethiopie affiche sa volonté de poursuivre sa stratégie, convaincue que le barrage est une clé de son avenir économique.
