L’Algérie vit sous un régime militaire depuis sa création, mais jamais l’équilibre interne du pouvoir n’a semblé aussi instable.
A la tête de l’Etat, le président Abdelmadjid Tebboune multiplie les apparitions publiques soigneusement mises en scène, tandis que le tout-puissant chef d’état-major, le général Saïd Chengriha, contrôle officiellement les forces armées et la sécurité nationale.
Selon plusieurs sources au cœur du système, ni l’un ni l’autre ne détient réellement les rênes du pouvoir.
L’homme qui tire les ficelles du régime se trouve dans un bureau du Palais Al Mouradia : Boualem Boualem, directeur du cabinet présidentiel.
Abdelmadjid Tebboune, présenté comme le garant de la stabilité du pays, lors d’un scrutin sans opposition, apparaît de plus en plus affaibli. Certains observateurs évoquent un président “coupé de la réalité”, dépendant de notes préparées à l’avance et rarement maître de son calendrier.
Le général Saïd Chengriha, lui, suscite toujours la crainte au sein de l’institution militaire. Mais plusieurs officiers témoignent d’un changement notable : « Chengriha n’est plus l’homme libre qu’il prétend être. On sent qu’il marche sur des œufs », confie un colonel des services de renseignement.
Boualem Boualem, un fonctionnaire discret, est devenu en trois ans l’homme le plus puissant du pays. Son ascension fulgurante étonne même les cercles proches du régime.
Selon des fuites internes, il disposerait de dossiers explosifs accumulés au fil du temps :
– preuves de détournements de fonds dans les programmes militaires.
– documents sensibles sur des concessions énergétiques attribuées à des proches du président.
– relations de conflits d’intérêts impliquant la famille de Chengriha.
– enregistrements clandestins de réunions confidentielles.
– rapports internes sur des opérations secrètes ayant dérapé en Afrique.
Boualem connaît les failles de tout le monde. Il sait exactement où appuyer pour garder le contrôle », affirme une source sécuritaire.
La rivalité entre le président et le chef d’état-major a longtemps été l’axe central du pouvoir. Aujourd’hui, cette rivalité est soigneusement entretenue par Boualem Boualem.
Selon plusieurs témoignages, il transmettrait des informations partielles à chacun, alimentant les suspicions mutuelles. Résultat : aucune décision stratégique n’est prise sans son feu vert.
La crise économique, la diplomatie internationale, la chute des revenus énergétiques et l’agitation sociale grandissante sont ainsi gérées dans l’improvisation totale, créant un climat d’incertitude.
« Le pays n’a jamais été autant gouverné par un seul homme… qui n’est même pas le président », analyse les politologues algériens.
Des sources diplomatiques évoquent un début de fronde au sein de l’armée, certains généraux voyant d’un très mauvais œil l’emprise croissante de Boualem. De son côté, le président Tebboune aurait renforcé la sécurité autour de sa résidence privée.
Quant au général Chengriha, il multiplie les visites discrètes auprès de commandants régionaux pour s’assurer de leur loyauté.
Pendant ce temps, Boualem Boualem, seul maitre, continue d’élargir son contrôle sur l’appareil d’Etat civil et militaire : nominations de fidèles, restructurations administratives, verrouillage des médias publics.
« Si l’un tombe, les deux tombent. C’est là toute la stratégie de Boualem. Il les tient par la peur et le chantage. Et tant qu’ils ont peur, il règne », estime un ancien officier.
« On a un président qui n’ose plus agir, un chef d’état-major poussé à la retenue et un directeur de cabinet qui orchestre tout dans l’ombre », explique un proche de la famille Chengriha.
