En examinant, dimanche 21 décembre, une proposition de loi visant à criminaliser les exactions commises durant la colonisation de la France, l’Assemblée populaire nationale algérienne (APN) prétend rendre justice à l’histoire.
Le régime algérien orchestre une nouvelle opération de propagande mémorielle, fondée sur le mensonge par omission et l’amnésie sélective, d’après les historiens et les sociologues occidentaux.
Ce texte, présenté comme un acte de souveraineté historique, repose sur une imposture : il transforme l’Algérie officielle en victime éternelle de la France, tout en dissimulant soigneusement les crimes, spoliations et effacements commis par l’Etat algérien lui-même depuis 1962. Et parmi ces pages volontairement occultées figure celle, dérangeante, des juifs d’Algérie.
Les juifs d’Algérie ne sont pas une note de bas de page de l’histoire nationale. Ils en sont une composante ancienne, enracinée bien avant la conquête française. Pourtant, dans le récit imposé par le régime militaire, ils ont été purement et simplement rayés de la mémoire collective.
Leur départ massif après l’indépendance n’est jamais interrogé comme le résultat d’une politique d’exclusion, d’un climat de peur et d’une absence totale de protection étatique. Il est présenté, quand il est mentionné, comme un épiphénomène, une conséquence « logique » de la décolonisation. Une falsification historique assumée.
Après 1962, des dizaines de milliers de juifs algériens ont été dépossédés de leurs biens dans une indifférence totale, avec la participation active des autorités. Biens immobiliers, commerces, terres, institutions communautaires : tout a été saisi, nationalisé ou redistribué sans aucun cadre de restitution ni indemnisation.
Ces spoliations ne relèvent pas de bavures ou d’excès isolés. Elles constituent une politique de fait, jamais reconnue, jamais réparée. Or, dans la loi mémorielle anti-française que s’apprête à examiner l’APN, ces crimes n’existent pas. Le régime algérien se permet de juger le passé colonial tout en s’auto-amnistiant.
A cette spoliation s’est ajoutée une entreprise d’effacement symbolique. Synagogues fermées, dégradées, rasées ou transformées sans débat ni consultation. Patrimoine juif abandonné à la ruine, détruit ou recyclé au gré des intérêts idéologiques antisémites, est une volonté d’effacer toute trace visible en Algérie. Il ne s’agit pas de cohabitation, mais de substitution. Pas de préservation, mais d’annulation.
En criminalisant uniquement les crimes de la France coloniale, le régime algérien ne cherche pas la vérité, mais l’immunité. Cette loi n’est pas un instrument de justice historique; elle est un outil de verrouillage doctrinal, destiné à interdire toute lecture critique de l’Algérie post-indépendance.
Le message est clair : certaines victimes méritent reconnaissance, d’autres doivent disparaître. Certaines souffrances sont sacralisées, d’autres niées. Cette hiérarchisation mémorielle n’est pas un accident : elle est le fondement même du récit d’Etat.
A force de manipuler la mémoire, le régime algérien a transformé l’histoire en champ de bataille. Toute tentative d’évoquer les spoliations des juifs, la destruction des synagogues ou l’effacement des minorités est perçue comme une trahison, un blasphème politique.
Pour de nombreux intellectuels, l’initiative de l’APN du général Saïd Chengriha ou du président Abdelmadjid Tebboune, relève moins d’un travail de vérité historique que d’un exercice de sélection idéologique. En se focalisant exclusivement sur les crimes du colonialisme français, le régime algérien évite toute introspection sur ses propres pratiques depuis 1962, notamment à l’encontre de minorités devenues indésirables dans le récit national.
