Algérie : Une société derrière les barreaux (Amnesty International) 

Les autorités algériennes mènent une répression impitoyable contre les personnes exprimant une forme quelconque de dissidence. Participants et participantes à des manifestations, journalistes travaillant pour des médias indépendants ou personnes publiant sur les réseaux sociaux, nul ou nulle n’est à l’abri des griffes de la répression en Algérie.

Depuis le début, en 2019, des manifestations hebdomadaires du mouvement de protestation Hirak, organisées dans un premier temps en opposition à un cinquième mandat du président de l’époque, Abdelaziz Bouteflika, puis en réaction au manque de liberté politique en Algérie, des centaines de personnes ont été arbitrairement arrêtées et placées en détention.

Les autorités ont d’abord pris pour cible les chefs de file présumés du mouvement de contestation, ainsi que les personnes relayant des informations à son sujet, mais, après l’interdiction des manifestations hebdomadaires en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, elles ont étendu leur répression.

Elles s’attaquent à quiconque exerce ses droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association d’une manière considérée comme menaçante pour le gouvernement,  jeunes et vieux, habitants de la ville ou de la campagne, militants ou simples élèves, sans distinction de genre.

Les autorités ont employé divers moyens pour étendre leur répression : arrestations arbitraires répétées, lourdes amendes, pression sur les familles de dissidents afin d’obtenir des informations sur l’endroit où se trouve leur proche et, au moins une fois, enlèvement et renvoi de force en Algérie d’un militant ayant le statut de réfugié afin de le soumettre à un procès pour des accusations forgées de toutes pièces. Elles ont également eu recours à la détention provisoire au-delà de la limite légale, ont imposé de lourdes peines de prison et ont soumis des personnes détenues à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements.

D’après des organisations locales, des dizaines de personnes (Slimane Bouhafs, Mohamed Tadjadit, Ihsane El Kadi …) ayant exprimé leur opposition aux autorités sont toujours détenues dans des prisons algériennes, souvent après avoir été condamnées en vertu d’articles problématiques du Code pénal, notamment ceux qui visent les « atteintes à la sûreté nationale », les « atteintes à l’unité nationale », l’« outrage » à l’égard de fonctionnaires, l’« incitation » à un rassemblement non armé, la diffusion de fausses informations et le terrorisme.

Amnesty International s’est entretenue avec des personnes ayant été incarcérées et avec les familles, avocats et avocates de personnes qui se trouvent toujours en détention. Les récits présentés ici mettent en lumière les souffrances subies par ces personnes aux mains des autorités algériennes. En rendant compte de ces situations, Amnesty International veut recueillir des soutiens en faveur de son appel aux autorités algériennes pour qu’elles libèrent immédiatement et sans condition toutes les personnes détenues arbitrairement, mettent fin au harcèlement des opposants et des personnes perçues comme critiques qui ne sont pas emprisonnés, et réforment la législation qui permet de graves violations des droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association.

Les autorités ont également emprisonné des personnes en raison de leur participation à des manifestations, dont beaucoup dans le cadre du Hirak, qui a commencé en février 2019 pour réclamer une réforme politique.

Pendant les manifestations du Hirak, les autorités algériennes ont arrêté arbitrairement, puis poursuivi et maintenu en détention de manière illégale des militants et militantes politiques et de la société civile, ainsi que des journalistes, en se fondant sur des dispositions du Code pénal à la formulation vague visant notamment les « atteintes à la sûreté de l’État » et les « attroupements armés » ou « non armés », qui ont été retenues abusivement comme charges contre des manifestants pacifiques. En mai 2021, les autorités ont utilisé la Loi n° 91-19 relative aux réunions et manifestations publiques pour interdire les manifestations du Hirak, en exigeant une déclaration préalable pour chaque manifestation.

Les autorités algériennes ont de plus en plus recours à des accusations liées à la lutte contre le terrorisme  formulées en des termes vagues pour poursuivre des membres de groupes considérés comme d’opposition. En 2021, elles ont qualifié d’« entités terroristes » l’organisation politique Rachad et le groupe politique Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). La même année, elles ont modifié le Code pénal afin d’élargir la définition du terrorisme de sorte d’y inclure le fait d’« œuvrer ou inciter à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ».