Soudan : L’ONU accuse l’armée et les paramilitaires de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité

La mission d’experts de l’ONU chargée d’enquêter sur les abus commis pendant la guerre civile au Soudan a accusé vendredi l’armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (FSR) de crimes de guerre. Les FSR sont également accusés de crimes contre l’humanité en raison de leurs attaques contre des communautés non arabes à Darfour.

Dans son premier rapport depuis sa nomination par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en octobre 2024, la mission, dirigée par le Tanzanien Mohamed Chande Othman, recommande d’étendre l’embargo sur les armes au Soudan, imposé depuis 2004 aux groupes armés à Darfour.

Le rapport préconise aussi le déploiement de forces indépendantes pour protéger les civils, l’extension de l’enquête sur les violations des droits humains, initialement lancée en 2005 par la Cour pénale internationale à Darfour, à tout le Soudan, ainsi que la création d’un mécanisme judiciaire international pour compléter le travail de cette cour.

Le rapport révèle qu’au cours du conflit, qui a éclaté en avril 2023 et a causé plus de 18 800 morts, 33 000 blessés, 7,9 millions de déplacés internes et 2,1 millions de réfugiés dans d’autres pays, l’armée et les paramilitaires ont commis des crimes de guerre, tels que des attaques indiscriminées contre des civils, des tortures et des meurtres.

Les FSR et leurs milices associées sont également accusés de viols de filles et de femmes, âgées de 8 à 75 ans, principalement à Darfour et à Khartoum. Ils sont aussi reprochés de recrutement d’enfants, de déplacements forcés et de pillages dans de nombreuses localités.

Le rapport indique que, à El Geneina, la capitale de l’État du Darfour de l’Ouest, les FSR et leurs milices ont mené des attaques à grande échelle contre les Masalit et d’autres ethnies non arabes, tuant des hommes dans certaines communautés et violant des femmes et des filles, ce qui pourrait constituer un crime contre l’humanité.

Les deux camps sont aussi accusés d’avoir utilisé des armes explosives à longue portée dans des zones civiles, les attaques des FSR ayant causé la mort de 11 enfants et de deux enseignants dans une école de l’État du Kordofan du Sud, et un autre incident similaire ayant tué 34 personnes, principalement des mineurs, dans une école religieuse au Darfour du Nord.

Les FSR et leurs milices sont également accusés d’avoir attaqué et pillé des hôpitaux, et d’avoir commis des pillages à Khartoum et à Darfour, forçant des familles entières à quitter leurs maisons et à confisquer leurs biens. Le rapport mentionne également des tortures infligées aux enfants par les deux camps, y compris des passages à tabac, des coups de fouet, l’arrachage d’ongles et, dans le cas de l’armée soudanaise, le « waterboarding » ou « submarino » (asphyxie par eau).

Mona Rishmawi, suisse-jordanienne et membre de la mission aux côtés d’Othman et de la Nigériane Joy Ngozi Ezeilo, a déclaré que ces révélations doivent servir d’appel à la communauté internationale pour qu’elle prenne des mesures décisives afin de soutenir les survivants, leurs familles et les communautés touchées, et pour que les responsables de ces crimes soient tenus responsables.

Le conflit a éclaté le 15 avril 2023 en raison d’un désaccord entre l’armée et les paramilitaires sur l’intégration de ces derniers dans le gouvernement issu du coup d’Etat de 2021, mettant fin à la brève tentative de démocratisation du pays après la chute du dictateur Omar al-Bashir en 2019.

L’armée est dirigée par le général Abdelfatah al-Burhan, tandis que les paramilitaires, évoluant des milices arabes « Janjawid » armées il y a 20 ans à Darfour pour contrer l’insurrection de cette région, sont actuellement dirigés par le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemedti ».

Les experts ont indiqué avoir maintenu des contacts avec les FSR, qui ont montré leur volonté de collaborer aux enquêtes, mais n’ont pas reçu de réponse aux quatre demandes adressées au gouvernement soudanais pour visiter le pays et compléter leurs investigations.

Le rapport sera présenté et discuté au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, qui entamera sa 57e session la semaine prochaine, prévue jusqu’au 9 octobre.