Le procès, qui implique environ quarante personnes, dont des figures politiques, des avocats, des militants, des journalistes et d’anciens hauts responsables sécuritaires, s’est ouvert ce mardi au tribunal de première instance de Tunis. Les familles des accusés ont protesté devant le tribunal contre la décision de la justice de les faire comparaître par visioconférence, appelant à des audiences publiques.
Ahmed Nejib Chebbi, chef du Front de salut national, une coalition d’opposition, a averti que si le procès se poursuivait en visioconférence, les accusés boycotteraient les audiences. Il a dénoncé ce procès comme étant politique et d’opinion. Les prévenus, issus de divers courants politiques, sont accusés, entre autres, de « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » et d' »adhésion à une organisation terroriste ».
Le 2 mai 2024, la chambre d’accusation chargée des affaires de terrorisme a décidé de renvoyer les quarante accusés devant la chambre criminelle spécialisée, rejetant toutes les demandes de libération. Parmi les principaux accusés figurent Jaouhar Ben Mbarek, Issam Chebbi, Abdelhamid Jelassi, Ghazi Chaouachi, Khayam Turki et Ridha Belhaj.
Le président Kaïs Saïed a accusé le 14 février 2023 certains prévenus d’être impliqués dans un complot, les tenants responsables de la pénurie de produits de base et de l’augmentation des prix en Tunisie. Des accusations passibles de lourdes peines, voire de la peine de mort.
Ce procès, impliquant de grandes figures de l’opposition au président Kaïs Saïed, a été qualifié d’affaire d’exception, dénoncée comme une tentative d’étouffer toute contestation par des militants des droits humains.
Jawhar Ben Mbarek, juriste et actuellement en détention, a dénoncé un « harcèlement judiciaire » visant à « éliminer méthodiquement les voix critiques » en Tunisie.
Depuis le coup de force ou coup d’Etat du président Saïed à l’été 2021, des défenseurs des droits humains et des opposants affirment que les droits et libertés ont fortement régressé dans le pays, qui avait été à l’avant-garde du « Printemps arabe » en 2011.
Ahmed Néjib Chebbi a qualifié ce procès d’injuste, affirmant qu’il vise des personnalités respectueuses de la loi. Parmi les accusés figurent également Abdelhamid Jelassi, ancien dirigeant d’Ennahdha, ainsi que d’autres militants et personnalités politiques.
L’avocat français Christian Charrière-Bournazel, représentant certains accusés, a qualifié le dossier de « surprenant », affirmant qu’il n’y a pas de preuves justifiant un complot contre la sûreté de l’État. La défense a insisté sur le fait que le dossier est « vide » et repose sur des témoignages anonymisés.
Plusieurs accusés ont été interpellés lors d’une opération contre l’opposition en 2023, le président Saïed les qualifiant alors de « terroristes ».
Actuellement, certains accusés sont en détention, d’autres en liberté, et certains sont en fuite à l’étranger. D’autres personnalités politiques ont récemment été condamnées à de lourdes peines, comme Rached Ghannouchi, chef d’Ennahdha, condamné à 22 ans pour « atteinte à la sûreté de l’État ».
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a dénoncé la « persécution des opposants » en Tunisie, estimant que de nombreuses accusations sont vagues et résultent de l’exercice des droits et libertés.