Tunisie : Procès politique sous haute tension, un indicateur de la dérive autoritaire de Kaïs Saïed

Le procès de dizaines de figures de l’opposition tunisienne, accusées de complot contre l’État, s’est ouvert vendredi dans un climat délétère, en l’absence des accusés détenus. Une illustration de plus de la dérive autoritaire du régime de Kaïs Saïed.

Depuis le coup de force du 25 juillet 2021, le chef de l’État tunisien gouverne seul, sans garde-fous, sans Parlement digne de ce nom, sans contre-

pouvoirs. Il a fait du pouvoir judiciaire une simple chambre d’enregistrement, et du procès politique une arme de dissuasion massive.

Dans une salle d’audience encadrée par les forces de sécurité, le tribunal de première instance de Tunis a tenu vendredi la deuxième audience d’un procès hors normes. Quarante personnalités dont des opposants politiques, des avocats, des journalistes et de responsables d’associations, sont poursuivies pour « complot contre la sûreté de l’Etat » et « appartenance à un groupe terroriste », des accusations passibles de lourdes peines, voire de la peine capitale.

Mais les principaux accusés n’étaient pas présents. Détenus depuis plusieurs mois, ils refusent de comparaître par visioconférence, dénonçant une violation flagrante de leurs droits. Parmi eux, le juriste Jawhar Ben Mbarek et l’ancien cadre d’Ennahdha Abdelhamid Jelassi, tous deux en grève de la faim pour exiger une comparution physique.

Depuis la première audience, le 4 mars, les autorités judiciaires imposent que les détenus soient jugés à distance. Une décision perçue comme une manœuvre visant à affaiblir la défense, dans un procès que beaucoup considèrent comme éminemment politique.

Pour Ahmed Néjib Chebbi, président du Front de salut national (FSN), lui-même poursuivi mais libre, il s’agit d’un « procès-fantôme », fondé sur des « fabulations » et sans aucune preuve d’un quelconque projet violent ou insurrectionnel. À certains accusés, il est reproché de simples échanges avec des diplomates étrangers.

Depuis des mois, Human Rights Watch, Amnesty International, l’ONU et de nombreuses ONG tirent la sonnette d’alarme. Mais les condamnations restent timides. Et la Tunisie, berceau du Printemps arabe, risque de devenir son tombeau si rien n’est fait.

Selon les observateurs, le procès en cours, loin d’être un acte de justice, apparaît comme une opération politique destinée à faire taire ceux qui osent encore s’opposer à un pouvoir de plus en plus solitaire et répressif.